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Référendum irlandais sur la règle d'or : les irlandais disent oui

Les irlandais ont dit oui au traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, appelé aussi "règle d'or". Un oui à l'issue d'un référendum au cours duquel le peuple irlandais a oscillé entre résignation, peur d'une nouvelle banqueroute et fierté de ne pas se plier à la nouvelle rigueur que le traité imposera s'il est approuvé.

Que prévoit le Traité ?
Le Traité instaurant le MES impose de limiter le déficit structurel national de chaque Etat membre à 0,5% du PIB, avec une possibilité d'aller jusqu'à 1% pour les "bons élèves", ceux qui ont une dette publique inférieure à 60%. Dans le cas où ces critères ne sont pas respectés, le Traité prévoit des "mécanismes de corrections" déclenchés par l'Union : obligations budgétaires, imposition de mesures de réduction des dépenses publiques, politiques d'austérité. Avec une incitation pour que ces restrictions et politiques budgétaires soient constitutionnelles. En échange de l'application de ces mesures, les Etats en difficulté pourraient alors se voir accorder des prêts par le fonds du MES. Ce type de plans de sauvetage, déjà mis en oeuvre depuis 2008 pour des pays comme la Grèce ou l'Irlande ont été instaurés au coup par coup par le FMI, la commission européenne et la BCE (troïka). 
Avec le Traité européen sur la stabilité, ce serait en quelque sorte l'automatisation des sanctions et des aides données en contrepartie. Ce qui induirait une nouvelle donne politique et économique jusque là inconnue : la supervision des budgets et des choix économiques des Etats membres de la zone euro par la commission de Bruxelles via la Cour européenne de justice.
Hélène Conway, Sénatrice des Français de l'étranger
Hélène Conway, Sénatrice des Français de l'étranger
Les partisans du oui croient en un "retour" de l'Irlande
Après la tempête financière débutée en 2008 et conclue en 2010 par une faillite bancaire sans précédent qui a obligé l'Irlande à emprunter 85 milliards d'euros au FMI et à l'Union européenne, le pays est aujourd'hui dans une sorte  de rémission. Comme un malade qui irait mieux mais pourrait facilement rechuter : la dette publique se situe autour de 105% du PIB, le déficit budgétaire  est de 10% (8,6% prévus en 2012 et 3% pour 2016), le taux de chômage de 14%. A succédé au dernier trimestre 2011 de récession, une croissance en 2012 aux alentours de 0,5%. Comparé aux chiffres apocalyptiques d'il y a 2 ans, c'est encourageant, mais pas encore suffisant pour l'Union.
Ce début de rétablissement économique est le fruit d'efforts importants effectués par la population comme le souligne Hélene Conway, sénatrice des Français de l'étranger  et "Irlandaise d'adoption" depuis de longues années : "Les Irlandais sont dans un pays où les plans d'austérité se sont succédés les uns après les autres, qui a beaucoup souffert, mais qui montre des signes assez encourageants de s'en sortir aujourd'hui, avec un emploi qui repart à la hausse, par exemple. Quand les responsables de la troïka, pour leur visite trimestrielle sont venus, le gouvernement a été en mesure de montrer que les finances sont désormais sous contrôle, qu'ils essayent de s'en sortir. Mais à un prix assez élevé au niveau de la population." Ce prix est celui de la suppression d'emplois, de la réduction des salaires de la fonction publique, des impôts nouveaux, et l'argument du camp du oui est celui d'un rassurement indispensable qui doit être renvoyé aux organismes financiers, ce que Madame Conway résume ainsi : "Si l'Irlande affolait les marchés financiers en refusant le traité, cela signifierait que le gouvernement n'est plus en mesure de contrôler les finances publiques. L'argument du camp du oui est donc très simple : si vous refusez le traité, nous emprunterons de nouveau à des taux très élevés et nous ne pourrons pas payer les salaires des fonctionnaires."
Gerry Adams, président du Sinn Fein et partisan du non
Gerry Adams, président du Sinn Fein et partisan du non
Les partisans du "non" ne veulent pas de la rigueur permanente et de la perte de souveraineté
Le gouvernement irlandais de coalition, composé du Labour party (parti de gauche membre du parti socialiste européen) et du Fine Gael (centre droit, membre du parti populaire européen) appelle logiquement à voter oui, tandis que les partis d'extrême gauche, Sinn Fein (SF) et Alliance de la gauche unie (UL) (qui rassemble le Parti socialiste (SP) et le mouvement du Peuple avant les profits), appellent à voter non. La logique des partisans du non est simple, elle aussi : signer le traité imposera une rigueur permanente au pays, avec son lot de coupes dans les dépenses publiques et hausses d'impôts, et cette rigueur, au lieu de sortir l'Irlande de la crise, l'y fera replonger. 
Mais comme le fait remarquer la sénatrice Conway "à chaque référendum, le débat va beaucoup plus loin que la question posée. La parti du Sinn Fein s'est positionné aujourd'hui comme le nouveau et le seul parti de gauche et est en train de doubler largement la parti du Labour, qui lui, est au gouvernement, et qui est pieds et poings liés dans cette histoire. Les revendications du camp du non utilisent l'espace du débat sur le traité pour avancer tout un tas d'autres revendications : ils sont contre les charges sur l'eau, qui a toujours été gratuite, par exemple.
Sur la souveraineté nationale, le Sinn Fein est en pointe. "La perte de souveraineté est l'axe principal de la campagne du Sinn Fein, ils disent : "vous allez perdre votre voix, votre souveraineté, nous qui nous sommes battus pour notre liberté face aux envahisseurs"... C'est la mémoire collective qui est stimulée avec ce discours", s'amuse Madame Conway.
Le oui en tête : un vote activé par la peur ?
Les sondages donnent le oui en avance sur le non, mais avec une part conséquente de la population, de l'ordre de 20%, encore indécise. L'élection de François Hollande en France a joué en faveur des opposants au Traité, le Sinn Fein n'hésitant pas à pousser l'avantage en affirmant que "même le président français, socialiste, rejetait l'austérité, que la reprise devait passer par la croissance", ce qui fait dire à Hélène Conway qu'ils (les membres du Sinn Feinn, ndlr) "exagèrent un peu les choses dans leur discours, mais ils commencent à prendre un certain ascendant dans les débats télévisés, au point que le premier ministre a refusé de débattre il y a quelques jours avec Gerry Adams le président du Sinn Fein.
Si l'Irlande rejetait le Traité, elle symboliserait un début de mouvement européen contre l'austérité, peut-être une voie pour d'autres pays en difficultés subissant gravement les politiques de restrictions budgétaires. Mais les Irlandais semblent penser dans leur grande majorité qu'ils n'ont pas de poids en Europe, que seules l'Allemagne et ensuite, dans une moindre mesure, la France, en ont. De plus, la voie du refus de l'austérité pourrait être une incitation à prêter de plus en plus cher à l'Irlande de la part des marchés financiers : la peur de ne plus pouvoir rembourser pourrait donc inciter la population à ne pas s'y risquer. Ce qu'Hélène Conway résume par un constat assez surprenant de la part d'une personnalité politique pro-européenne : "L'Irlande arrive de nouveau à emprunter à des taux à peu près raisonnables, autour de 3%, alors qu'ils étaient montés jusqu'à 6, 7% il y a deux ans. Si le traité est rejeté, les marchés financiers vont refaire monter les taux d'emprunts. En fait ce sont les marchés qui dictent la loi aujourd'hui...

Comment le Pacte de stabilité budgétaire se met-il en place ?

Le pacte budgétaire européen entrera en vigueur en juillet 2012. Il deviendra une loi de l'Union européenne en 2017. D'après ce traité, le Mécanisme européen de stabilité sera une organisation intergouvernementale selon le droit international public et siégera à Luxembourg. 
Le MES sera doté :
- d'un conseil des gouverneurs (le ministre en charge des finance de chaque État membre) présidé soit par le président de l'Eurogroupe soit par un président issu de ses membres. Les décisions sont prises avec un quorum des deux tiers des membres disposant de droits de vote représentants au moins deux tiers des voix. Les voix dont disposent les États sont proportionnelles à leur participation au capital du MES
- d'un conseil d'administration nommé par les gouverneurs. Il vote à la majorité qualifiée (80 à 85% des voix selon les cas)
-d'un directeur général nommé pour cinq ans
- d'un capital autorisé fixé à 700 milliards d'euros dont 80 milliards à verser par tranche de 20% sur cinq ans27.
Il ne s'agit de permettre au MES d'emprunter pour se financer mais il est précisé qu'« aucun membre du MES, ne peut, du fait de sa qualité de membre, être tenu pour responsable d'obligations du MES »

Modification de l'équilibre politique irlandais

La crise économique et les plans de rigueur ont changé la donne politique en Irlande. La progression du Sinn Fein et la perte de vitesse des grands partis sont significatives.

Irlande : du plan de sauvetage à la crise politique

L'Irlande a accepté le 21 novembre 2010 l'appel à l'aide financière lancé par l'Union Européenne et le Fonds monétaire international. Le montant total du plan de sauvetage n'est pas officiellement annoncé, la somme serait cependant comprise entre 80 et 90 milliards d'euros (financés par l'UE et le FMI). La Suède et la Grande Bretagne ont également envisagé des prêts bilatéraux, respectivement de 1 et 8 milliards d'euros. En attendant la publication par le gouvernement irlandais du plan de rigueur, condition préalable à l'octroi de cette aide extérieure, quelques mesures sont avancées : - Ramener le déficit public à 3% du PIB contre 32% à l'heure actuelle - Réduire les allocations chômage et familiales - Supprimer plus de 100 000 emplois dans la fonction publique Autant de mesures visant à économiser 15 milliards d'euros d'ici à 2014.