Interrogé par l'Agence France Presse qui lui demandait si le Français allait être exécuté avec les huit autres étrangers et l’Indonésien condamnés à mort pour trafic de drogues, le porte-parole du parquet de Jakarta a répondu « non » et a précisé : « Dix condamnés figuraient sur la liste initiale, mais le Français Serge Atlaoui a été retiré au dernier moment. »
La veille, des signes faisaient pressentir cette annonce. Contrairement aux autres délégations diplomatiques, l’ambassade de France à Jakarta n’a pas été convoquée au complexe pénitentiaire de Nusakamgangan où sont détenus Serge Atlaoui et les autres étrangers condamnés à mort. Plus encourageant encore, Serge Atlaoui n’a pas été placé en isolement comme l’exige la procédure avant toute exécution. Il n’a pas non plus reçu de notification indiquant la date de son exécution.
La situation hautement politique

Pour Raphaël Chenuil-Hazan, directeur de l’association française Ensemble contre la peine de mort, qui co-organisait ce 25 avril un rassemblement à Paris en solidarité avec Serge Atlaoui et les autre condamnés à mort en Indonésie, « l’espoir continue. Il faut rester mobiliser. » Désormais, l’affaire Serge Atlaoui n’est plus juridique. « La situation est devenue hautement politique, analyse Raphaël Chenuil- Hazan. La vie de Serge Atlaoui dépend du président indonésien. Il peut encore lui accorder sa grâce. »
Mais jusqu’à présent, le président indonésien Joko Widodo, qui jouit d’une forte popularité dans son pays, s’est montré intransigeant. Elu l'été dernier, il a fait de la lutte contre les stupéfiants l'une de ses principales batailles et l'a démontré en décidant, dès son arrivée au pouvoir, de rejeter toutes les demandes de grâce de condamnés à mort pour drogue. Néanmoins, les pressions diplomatiques qu’exerce depuis quelques semaines la France peuvent peser, bien que la marge de manoeuvre soit maigre. L’Indonésie ne dépend nullement de l’assistance française, l’Hexagone n’étant que son 18e partenaire commercial.
Iniquités dans la procédure

Par contre, le dossier Atlaoui compte de nombreuses contradictions et iniquités qui ne font pas honneur à la justice indonésienne. Soudeur professionnel, Serge Atlaoui a été embauché pour faire des travaux dans une usine qu’il croyait faite pour produire de l’acrylique. Arrêté lors d’une descente de police en novembre 2005, il comprend alors qu’il participait sans le vouloir et sans le savoir au développement d’un laboratoire clandestin d’ecstasy. La justice indonésienne le condamne à perpétuité en première instance, puis en appel. Sur recours du parquet général, c’est la Cour suprême qui, en 2007, le condamne à mort sans autoriser aucun témoin à la barre.
Depuis des recours ont été tentés. Mais jamais les juges de la Cour suprême n’ont jugé nécessaire de réviser le procès du soudeur français. En revanche, comme l’indique son avocat français Richard Sedillot sur le site d’ECPM, « le même recours, introduit par le principal condamné du dossier, le propriétaire de l'usine, fait l'objet d'un examen attentif depuis 18 mois ». Deux traitements forts différents qui donnent à voir une justice à deux vitesses.
« C'est une politique populiste qui est aujourd'hui pratiquée en Indonésie, renchérit le directeur d'ECPM. Qui vise à faire croire à la population indonésienne qu’on réglera le problème de la drogue par la peine de mort et en particulier par l’exécution d’étrangers. Une manière de dire que le mal vient de l’étranger et de ne pas assumer la réalité. »
Dans ce contexte, le sort de Serge Atlaoui reste très incertain. Si sa peine est appliquée, il deviendra un sombre symbole : le premier Français exécuté depuis l'abolition, en 1981, de la peine de mort en France.