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Syrie: l'enquête internationale sur les attaques chimiques prolongée ?

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Vont-ils pouvoir poursuivre leurs investigations sur les attaques chimiques en Syrie ou bien leur mandat prend-il fin ce vendredi ? Les experts internationaux mobilisés sur cette question depuis 2015 l'ignorent. A l'ONU, aucun compromis n'a encore été trouvé.

Voici deux ans que les experts de l'ONU et de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques enquêtent en Syrie. Sarin, chlore, gaz moutarde... Les forces syriennes, tout comme le goupe Etat islamique, y ont eu recours, affirme le JIM (Joint Investigative Mechanism). Créé en 2015 à la suite d'une initiative américano-russe, cette mission d’enquête conjointe se penche sur des dizaines d'attaques chimiques.

En deux ans, elle a conclu que les forces syriennes, outre à Khan Cheikhoun, avaient été responsables d'attaques au chlore dans trois villages en 2014 et 2015 et que le groupe EI avait utilisé du gaz moutarde en 2015. Mais ce 16 novembre, le mandat de la mission d’enquête conjointe n'a pas été renouvelé, comme l'explique Elisabeth Gedel, correspondante à New York pour TV5MONDE : 

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Veto et désaccords

Au Conseil de sécurité des Nations unies, deux projets concurrents, l'un américain et l'autre russe, visaient à prolonger d'un an le mandat des experts internationaux. Tous deux ont été rejetés ce jeudi lors d'une réunion houleuse au Conseil de sécurité des Nations unies.

La Russie, d'abord, a mis son veto (le dixième concernant la Syrie) à un texte américain approuvé par 11 pays, mais faisant l'objet de 2 votes contre (Russie et Bolivie) et de 2 abstentions (Chine et Egypte). Lors d'un deuxième scrutin, c'est le projet russe qui a été rejeté, recueillant 4 votes pour, 7 contre et 4 abstentions. Or il aurait fallu une majorité de 9 voix pour faire adopter le texte, sans veto d'un membre permanent.

Tout au long de l'après-midi, les échanges au sein du Conseil ont été acrimonieux. "Triche", "trahison", "malhonnêteté", figuraient parmi les amabilités échangées entre les ambassadeurs au langage d'habitude plus policé. Le représentant égyptien déplore "un show médiatique", son homologue bolivien qualifiant la séance d'"inhabituelle".

Des projets divergents

Les deux projets de résolution des Etats-Unis et de la Russie ne s'accordaient que sur un point : un an de renouvellement. Le texte russe réclamait une révision en profondeur de la mission du JIM et un gel de son dernier rapport impliquant le régime de Bachar al-Assad dans une attaque au gaz sarin en avril.
 

Washington s'y opposait et, soutenu par les Européens, réclamait des sanctions contre les responsables d'utilisation d'armes chimiques en Syrie. Juste avant les votes, Donald Trump était sorti de son silence sur le sujet. "Il faut que l'ensemble du Conseil de sécurité de l'ONU vote pour renouveler" le mandat du JIM et "faire en sorte que le régime d'Assad ne puisse jamais plus commettre des meurtres de masse avec des armes chimiques", a-t-il tweeté.

 

20 jours pour convaincre

Ce vendredi, le Conseil de sécurité doit examiner le projet de résolution japonais. Celui-ci propose une prolongation, non plus d'un an, mais de 30 jours. Le temps de trouver un compromis sur le sort de ce groupe d'enquêteurs. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, serait alors chargé de soumettre au Conseil, d'ici 20 jours "des propositions sur la structure et la méthodologie" mise en place par le JIM. 

Le renouvellement du mandat du JIM est depuis des semaines au centre d'un bras de fer entre Washington et Moscou, divisés sur le dernier rapport des experts onusiens et de l'OIAC. Ils ont conclu fin octobre à l'implication d'un avion-bombardier du régime syrien dans une attaque au gaz sarin commise le 4 avril à Khan Cheikhoun qui a fait plus de 80 morts.

Depuis, la Russie, qui considère comme Damas que l'attaque découle en réalité de l'explosion d'un obus au sol dans une zone contrôlée par des rebelles et des jihadistes, n'a cessé de dénoncer des approximations dans le rapport du groupe dirigé par le Guatémaltèque Edmond Mulet.

La Russie isolée

"La Russie a tué le mécanisme d'enquête qui avait un soutien général dans ce Conseil", a lancé l'ambassadrice américaine, Nikki Haley. "Le message est clair : la Russie accepte le recours aux armes chimiques en Syrie !"

Le JIM présente "des lacunes fondamentales", avec le recueil de témoignages douteux, des approximations dans le travail d'enquête, a rétorqué l'ambassadeur russe, Vassily Nebenzia. "La Russie ne pouvait pas voter le projet américain et tout le monde le savait", a-t-il insisté.

Plusieurs pays ont souligné l'isolement de la Russie, l'un des principaux soutiens de la Syrie, chaque grande puissance tentant de rejeter la responsabilité de l'échec du Conseil sur l'autre.  "La France est consternée par ce résultat dû au veto russe", a souligné l'ambassadeur français, François Delattre. "La Russie a échoué à promouvoir la paix en Syrie" en "refusant d'être constructive", a abondé son homologue britannique, Matthew Rycroft.

Derrière cette question de l'avenir du JIM, c'est l'ensemble du régime de non-prolifération établi par les Nations unies pour interdire dans le monde le recours aux armes chimiques qui est en jeu, selon des diplomates.