La collapsologie est « l’exercice transdisciplinaire d’étude de l’effondrement de notre civilisation industrielle et de ce qui pourrait lui succéder, en s’appuyant sur les deux modes cognitifs que sont la raison et l’intuition et sur des travaux scientifiques reconnus » (Servigne & Stevens, 2015). Son objectif est de nous éclairer sur ce qui nous arrive pour pouvoir discuter sereinement des politiques à mettre en place. (http://www.collapsologie.fr)
Durant tout l'entretien-démission du 28 août 2018 qu'il accorde à France Inter, cette notion de "limite atteinte" et de l'impossibilité de modifier le modèle économique et ses orientations politiques — pour y inscrire une écologie efficace — tient lieu de fil rouge à Nicolas Hulot. La "catastrophe" est annoncée comme inéluctable, et le ministre pointe du doigt plusieurs aspects indirectement liés avec les problèmes écologiques, comme la "recherche de croissance à tout crin", "d'équation impossible avec les critères maastrichiens" (empêchant les investissements pour la transition écologique), "la spéculation sur les biens communs", etc. Le ministre conclut cette partie de son explication par une affirmation qui résonne directement avec les théories de l'effondrement : "Il y a une telle urgence !".
Collapsologie et études scientifiques sur l'effondrement des civilisations
Les différentes analyses issues de la collapsologie (étude de l'effondrement des civilisations), le rapport du chercheur du MIT Dennis Meadows pour le club de Rome ("Les limites de la croissance" sorti en 1972, et révisé en 1993 et 2004), ou encore l'étude parrainée par le Goddard Space Flight Center de la Nasa de 2014, concluent toutes à l'effondrement de la civilisation industrielle à courte échéance, soit avant la moitié du XXIème siècle.L'étude parainnée par la NASA est le fruit d'un long travail de chercheurs dirigés par un mathématicien, Safa Motesharri, de la National Science Foundation, aux Etats-Unis. C'est en croisant des données historiques sur les civilisations au sein d'un nouveau modèle informatique nommé Human And Nature DYnamical que cette équipe a pu calculer les limites de la civilisation actuelle, industrielle et désormais planétaire.
Nicolas Hulot a très certainement lu cette étude : les constats de l'écologiste sont les mêmes que ceux que l'on retrouve au sujet de l'exploitation excessive des ressources dans l'étude dirigée par Safa Motesharri et ceux du chercheur Dennis Meadows à propos de la croissance économique. L'aveu d'impuissance de Nicolas Hulot est à l'image de celui des chercheurs concluant à l'effondrement…
Le rapport Meadows : un oracle vieux de presque 50 ans
Le travail de prospective demandé par le Club de Rome en 1972 au MIT et réalisé par Dennis Meadows a été effectué à l'aide de l'un des premiers modèles informatiques de type "dynamique des systèmes" : World3.
De type Dynamique des systèmes, le modèle World3 consiste en cinq grandes parties interagissant entre elles. Chacune traite d'un système différent du modèle. Les systèmes principaux sont :
- le système alimentaire, incluant l'agriculture et l'industrie agroalimentaire ;
- le système industriel ;
- le système démographique ;
- le système de ressources non renouvelables ;
- le système de pollution.
Les conclusions de l'époque sont —étonnamment — toujours parfaitement valides aujourd'hui selon les chercheurs qui ont analysé ces résultats et ont révisé le modèle à 2 reprises. Le rapport a été nommé dès l'origine "Les limites de la croissance" pour une raison simple : la croissance [économique, industrielle] infinie dans un monde aux ressources limitées est impossible et la "nature" devrait mettre un terme à cette course en stoppant net la civilisation industrielle, selon Meadows.
Lors de la traduction en français en 2012 du dernier "rapport Meadows" de 2004, le chercheur a été interrogé par le Télégramme de Brest et ses conclusions sont similaires à celles de Nicolas Hulot : il y a peu d'espoir que quoi ce soit change au niveau du modèle de civilisation basé sur la croissance. Nous irions donc tout droit vers l'effondrement, et à la question "comment résoudre le problème ?", le chercheur réplique avec le même pessimisme que Nicolas Hulot mardi dernier : "La croissance va s'arrêter. Les crises et les catastrophes sont des moyens pour la nature de stopper la croissance. Nous aurions pu l'arrêter avant, nous ne l'avons pas fait donc la nature va s'en charger (…) Les politiques sont accros à la croissance. L'addiction, c'est faire quelque chose de dommageable mais qui fait apparaître les choses sous un jour meilleur à courte échéance. La croissance, les pesticides, les énergies fossiles, l'énergie bon marché, nous sommes accros à tout cela. Pourtant, nous savons que c'est mauvais, et la plupart des hommes politiques aussi."