Valparaiso, ou le faste du XIXe siècle. Cette ville maritime du centre du Chili, sur la côte pacifique, était le port marchand par excellence dans la région, avant l'ouverture du canal de Panama en 1914. Il servait d'escale pour les navires passant de l'Atlantique au Pacifique. Son centre s'est développé, s'est construit, et ses célèbres funiculaires se sont accrochés au flanc de ses collines.
Ces constructions ont été récompensées en 2003 par l'Unesco, classant la partie historique de la ville au patrimoine mondial de l'humanité. "Le quartier historique de la ville portuaire de Valparaiso est globalement authentique en termes de trame urbaine et de plan de l’ensemble, d’utilisation des matériaux, d’usages et de fonction, de situation et de cadre", peut-on ainsi lire sur le site de l'Unesco.
Incendies à répétition

Ce cadre serait parfait s'il ne passait pas son temps à brûler, comme le déplore Paola Martinez Infante, journaliste chilienne et réalisatrice de documentaires. A Valparaiso, les incendies se succèdent, se répètent. "C'est assez curieux. Je viens de finir un documentaire sur la restauration d'une église qui avait déjà brûlé deux fois (l'église San Francisco del cerro Barón, ndlr). Elle a cramé à une semaine de la livraison des travaux, c'était donc la troisième fois qu'elle brûlait !" se souvient-elle.
"J'ai interviewé des dizaines de pompiers, et tous racontent la même histoire : comment est-il possible qu'il y ait toujours des incendies ? Mais certains sont criminels. La ville est classée au patrimoine mondial, donc on ne peut pas toucher à toute une partie du centre pour construire. Aux alentours, des spéculateurs immobiliers voudraient mettre à terre des vieux bâtiments qui, selon eux, ne servent à rien et qu'ils ne souhaitent pas restaurer. D'où des incendies criminels pour que l'assurance paie."
De retour du tournage de son documentaire, la réalisatrice énumère les conditions qui sont, selon elle, favorables à la propagation d'incendies dans la ville : les conditions de vie précaires d'une partie de la population ; la localisation géographique de certaines citernes de lutte contre les incendies, au fond de la vallée ; l'étroitesse des ruelles permettant l'accès aux zones en feu. Et, ajoute-t-elle, "beaucoup de négligences et de pauvreté. Donc il n'y a pas de très bonnes infrastructures pour faire face à une catastrophe comme celle de ce week-end."
Elle ajoute : "J'ai discuté avec des pompiers, ils m'ont dit que Valparaiso, c'est comme une vieille maison. Quand on y arrive, c'est super charmant, mais il y a des trous partout, il y a des fissures, et l'eau ne fonctionne pas. A chaque fois, il faut boucher les trous... boucher les trous... et ça ne suffit pas. Les murs ne sont pas solides."
D'ailleurs, note-telle : "Le premier corps chilien de pompiers a été créé à Valparaiso à cause d'un énorme incendie qui a eu lieu en 1850 (lien en espagnol)."
Faille sismique

S'il n'y avait que les incendies... Valparaiso, comme le reste du Chili, est soumise à une intense activité sismique. Régulièrement, souvent, la terre tremble. Comme en 1906, où presque tout a été détruit. Là aussi, la catastrophe de Valparaiso a précédé une création de taille : celle de l'Observatoire sismologique de Santiago par un Français, Fernand Bernard, comte de Montessus de Ballore, appelé au Chili dès 1907 (lien en anglais).
Depuis, les séismes se sont, eux aussi, succédé sur le littoral. Avec au premier chef celui de Valdivia (lien en anglais), au sud du pays, le 22 mai 1960. Un "big one" terriblement destructeur. Puis un autre en 1985, dans la région de Valparaiso. Ou encore celui de Concepcion, le 27 février 2010. "Il a fait beaucoup de dégâts" à Valparaiso, rappelle Paola Martinez Infante. Une réplique se fait même ressentir lors de la cérémonie de passation de pouvoir entre Michelle Bachelet et Sebastian Pinera, au Parlement de la ville.