11 novembre : Maurice Genevoix, l'écrivain des Poilus entre au Panthéon

Cent deux ans après l’Armistice de 1918, Maurice Genevoix fait son entrée au Panthéon ce mercredi 11 novembre. Avec lui, son inoubliable récit de guerre qui décrit l’horreur des tranchées, "Ceux de 14". L'écrivain et poète, membre de l'Académie française, ancien grand combattant de la Première guerre mondiale, rejoint ainsi la crypte des Grands Hommes et des Grandes Femmes du Panthéon, monument honorant les grandes personnalités de la République française. Une cérémonie présidée par Emmanuel Macron et qui se fera sans public en raison de la crise sanitaire et du confinement.

Image
Maurice Genevoix
Statue de l'écrivain français Maurice Genevoix dans le village des Eparges (France).
AP Photo/Francois Mori
Partager5 minutes de lecture

Maurice Genevoix était jusqu'à présent enterré au cimetière de Passy à Paris. Décédé en 1980 à l'âge de 89 ans, son corps va désormais reposer au Panthéon, comme s’y était engagé le président français Emmanuel Macron il y a deux ans. Une façon d'honorer l’homme de Lettres et les nombreux Poilus de la Grande guerre.

Une vocation littéraire née dans les tranchées 

En août 1914, à la mobilisation générale, Maurice Genevoix a 24 ans et il est élève à l'Ecole normale supérieure. Incorporé comme sous-lieutenant dans le 106e régiment d'infanterie, il participe à la bataille de la Marne et à la marche sur Verdun. Promu lieutenant, il vit le quotidien terrible du fantassin. 

Le 25 avril 1915, il est grièvement blessé sur la côte des Eparges, un village de la Meuse. Hospitalisé pendant sept mois, le jeune homme trouve la force de surmonter cette épreuve en écrivant à partir de notes prises dans les tranchées.

En 1916, il publie son premier livre "Sous Verdun", un récit qui sera largement censuré pour masquer la réalité des combats. Suivront "Nuits de guerre" (1917), "Au seuil des guitounes" (1918), "La boue" (1921) et "Les Eparges" (1923) réunis sous le titre "Ceux de 14" en 1949, considéré comme l’un des plus grands témoignages de ce conflit. Des récits de guerre forts et réalistes pour rendre hommage à ses frères d’armes. Invalide à 70%, Maurice Genevoix est réformé.

Ce que nous avons déjà fait… En vérité, c’est plus qu'on ne pouvait demander à des hommes, et nous l'avons fait.

« Le premier de nos écologistes »

Né le 29 novembre à Decize dans la Nièvre, c’est au Val de Loire qu’il appartient. Puis c’est à Orléans qu’il suit son secondaire en brillant élève, déjà avide de s’exprimer. Il y perd sa mère à douze ans.

Après la guerre, il retourne à Châteauneuf et y célèbre dans son premier roman, "Rémi des Rauches" (1922), la Loire, "miroir des clairs de lune et des nuits pleines d'étoiles". 

Il écrira des dizaines d'hymnes aux habitants de la Sologne, aux bêtes de la forêt, aux eaux du fleuve et des étangs: "Raboliot", "La boîte à pêche" (1926), "Rroû" (1931),  "La forêt perdue" (1968). 

Auteur d'une série de bestiaires de 1968 à 1971, le flâneur de Loire, qui s'est installé entre-temps dans le hameau de la Vernelle, est également un excellent écrivain animalier. A sa mort le 8 septembre 1980, le président Giscard d'Estaing salue "le premier de nos écologistes". 

Avide de liberté 

Elu en 1946 à l'Académie française au fauteuil de Joseph de Pesquidoux, il en devient le secrétaire perpétuel en 1958. "Tu humanisais merveilleusement la fonction", regrettera Joseph Kessel lorsque Maurice Genevoix, avide de liberté pour écrire, démissionne en 1973. 

On lui doit l'élection de Paul Morand, Julien Green, Montherlant. Membre assidu de la Commission du dictionnaire de la langue française, le pétillant conteur chasse les anglicismes de la littérature scientifique, participe à de nombreuses émissions télévisées et fait revivre tout un vocabulaire délaissé. 

pantheon
Le Panthéon à Paris (France), le Temple des Grandes femmes et des Grands hommes.
AP Photo/Francois Mori


C'est quoi le Panthéon ?


Le Panthéon est depuis plus de cent ans la nécropole laïque des "Grands Hommes" français, dont la République veut honorer la mémoire.
Cet imposant édifice domine la montagne Sainte-Geneviève, l'une des buttes de Paris.
Au Moyen-Age, une abbaye occupait cet emplacement, où étaient conservées les reliques de Sainte Geneviève. A la demande de Louis XV, une nouvelle église fut construite entre 1764 et 1790.  
Pendant la Révolution française, en 1791, l'Assemblée constituante transforme l'église en nécropole nationale. Le Panthéon, d'après un mot grec qui désigne l'ensemble des dieux, devient un temple destiné à "recevoir les grands hommes de l'époque de la liberté française".
Mirabeau, l'un des inspirateurs de la Révolution, est le premier à y entrer le 4 avril 1791. Il est suivi par Voltaire, puis Jean-Jacques Rousseau en 1794.
En 1806, Napoléon rend l'édifice au culte. Les dépouilles de Voltaire et de Rousseau sont reléguées sous le péristyle. Sous Louis-Philippe, l'église redevient Panthéon, avant que Napoléon III ne lui rende son nom d'église Sainte-Geneviève.
C'est le 1er juin 1885 que l'inhumation de Victor Hugo restitue définitivement son "temple" à la République. 

Qui se trouve au Panthéon ?


Des politiques, des écrivains, des scientifiques, quelques religieux et beaucoup de militaires.
Soixante-quinze personnes (70 "Grands Hommes" et 5 "Grandes Femmes") ont été panthéonisées. Quatre autres personnes y sont inhumées sans décret de panthéonisation: l'architecte du monument Jacques Soufflot, Sophie Berthelot qui repose aux côtés de son mari ainsi qu'Antoine Veil aux côtés de son épouse et Marc Schoelcher, le père de l'abolitionniste Victor Schoelcher.
Les écrivains Victor Hugo, Emile Zola (1908), le résistant Jean Moulin (1964), la scientifique Marie Curie (1995), puis l'auteur des "Trois mousquetaires" Alexandre Dumas (2002) ont notamment été reçus au Panthéon.
En 2007, le président Chirac décidait de panthéoniser les 2.700 "Justes de France" et tous les héros anonymes ayant sauvé des milliers de juifs de la mort pendant la Seconde Guerre mondiale.
Simone Veil, cinquième femme présente dans l'édifice, a été  "honorée" le 1er juillet 2018.
 Ce 11 novembre 2020, c'est au tour de Maurice Genevoix, l’auteur de "Ceux de 14" de rejoindre les 75 Grands Hommes et Grandes Femmes honorés et inhumés dans la crypte ainsi que les 560 écrivains combattants de la Première Guerre mondiale dont les noms sont inscrits sur les murs du monument. Prix Goncourt pour son roman "Raboliot" (1925) et secrétaire perpétuel de l'Académie française pendant plus de quinze ans (de 1958 à 1973), ce survivant a occupé une place de premier plan dans la vie littéraire française du XXe siècle, célébrant "l'invincible espérance des hommes". 
 

Qui décide de faire entrer au Panthéon une personnalité ?


En 1791, c'est l'Assemblée constituante qui décide d'inhumer une personnalité au Panthéon, puis c'est la Convention, en 1794, qui prend le relais. Elle décide notamment de l'inhumation de Rousseau mais aussi le retrait de Mirabeau en 1794 et de Marat.
Sous le Premier Empire, la décision revient à Napoléon 1er avant d'être confiée aux députés sous la IIIe République.
Aujourd'hui, le choix revient au président mais la famille du défunt peut toujours refuser. En 2009, la famille de l'écrivain Albert Camus s'était opposée à cette idée du président Nicolas Sarkozy.