De la photo à l'Histoire Didier Pazery aime l'Histoire, certes, mais il est avant tout photographe. "Au départ, je voulais photographier le temps qui passe à travers une mise en abîme, en superposant des photos de jeunesse à celles de centenaires." Or les premiers personnages qu'il rencontre ont tous fait la Grande Guerre : "Dans les albums, leurs premières photos étaient celles de soldats." En 1996 paraît Derniers combats, des portraits de survivants de la Grande Guerre, qui lui vaut une commande du magazine américain Life. Il commence à faire parler les hommes... En 1998, il rencontre
Olivier Morel, réalisateur de L'Ame en sang, un documentaire sur le traumatisme des vétérans américains de la guerre d'Irak, qui élargit sa quête à l'international. Ensemble, ils vont voir des Allemands, des Américains, des Roumains, des Serbes... Et puis en 2006,
dans le sillage du réalisateur Jean-Marc Surcin, il part à la découverte des six derniers poilus et de la manière dont la société française s'approprie leur mémoire. "Certains avaient du mal à parler..." En quinze ans de travail, aucun des anciens combattants contactés par Didier Pazery n'a refusé de parler. Certains avaient du mal à s'exprimer, ou pas grand-chose à dire sur la guerre et les combats. Ils l'avaient trop subie. "Mais le fait militaire m'intéressait moins que les témoignages humains sur les privations, les souffrances et le drame humain de villages entiers qui se sont retrouvés sans plus aucun homme en 1918, dit le photographe. A part quelques très rares expressions "anti-bosch", tous nous ont dit que la guerre était une connerie." Certains témoignent de moments d'exception, comme les fraternisations de Noël - la trève entre soldats allemands et français à la fin de l'année 1914 (voir ci-contre, le reportage sur le film "Joyeux Noël". "Un gars m'a raconté que le lendemain, les soldats français et allemands ont tiré sur leurs propres lignes, pour les punir," se souvient Didier Pazery. Car l'image fantasmée que l'on cultive du poilu qui part la fleur au fusil était plus une posture qu'une conviction. "Le héros de 1914 est sacrifié, et c'est pour cela qu'il est attachant," explique Didier Pazery. Certes l'époque était au patriotisme - il fallait reprendre l'Alsace et la Lorraine. Mais l'heure était surtout à l'embrigadement et à l'inconscience de jeunes gens que rien n'avait préparé à se battre. Ecoutez le témoignage de Robert Zwang, engagé volontaire en 1915, à 18 ans (mort en 1999 à 101 ans) :