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250 infirmières françaises installées au Québec sont victimes d'une iniquité salariale

Un litige empoisonne actuellement les relations entre la France et le Québec : dans une quinzaine d'hôpitaux de la province, quelque 250 infirmières françaises qui se sont installées au Québec avant 2014 sont moins bien payées que celles qui s'y sont installées après 2014, à qualification et expérience égales.

À l’origine du problème : les établissements en question ne reconnaissent pas aux infirmières d'avant 2014, leurs années d’expérience. Une situation d’iniquité flagrante et dénoncée, mais qui perdure depuis bientôt 4 ans. Il y a un an, ces infirmières manifestaient à Montréal pour se plaindre de cette situation.

Une entente interprétée différemment 

Nous voilà en décembre 2017 et le problème n’est toujours pas réglé. Il tient sa source d’une entente signée en février 2014 entre la France et le Québec sur la reconnaissance du diplôme français des infirmières installées au Québec. Cet accord, mieux connu sous le nom de ARM pour Arrangement de Reconnaissance Mutuelle, a permis aux infirmières françaises de se faire payer comme cliniciennes (versus techniciennes) et de se faire reconnaître leurs années d’expérience. Si la majorité des hôpitaux québécois ont fait les ajustements salariaux nécessaires pour se conformer à cette entente, une quinzaine d’entre eux ne s’y sont conformés qu’à moitié, car ils n’ont pas reconnu aux infirmières qui se sont installées au Québec avant 2014 — et la signature de cet accord — les années d’expérience qu’elles avaient. 

Elles sont donc moins bien payées que celles qui sont arrivées après 2014. « Certains centres hospitaliers ont fait comme si nous étions nouvellement diplômées en mars 2014 donc en fait pour ma part j’ai perdu à peu près 10 000 dollars par an de salaire », explique Marie-Laure Necade, une infirmière française qui s’est installée au Québec en 2008. Les 250 infirmières françaises réclament donc à ces établissements des arriérés salariaux qui avoisinent les 5 millions de dollars. « C’est une somme qui nous est due, c'est du travail que nous avons effectué » déclare Marie-Laure Necade.  

Une iniquité reconnue

Tous les intervenants dans ce dossier reconnaissent l’iniquité dont sont victimes ces infirmières, mais maintenant la question qui se pose c’est : qui va payer ? Les établissements hospitaliers concernés à même leurs budgets de fonctionnement ? Ou l’État québécois via une enveloppe dédiée pour l’occasion ? Le ministre de la Santé Gaétan Barrette lance la balle dans la cour des hôpitaux : « Ma position est que l'accord doit être appliqué tel qu'il est et ça n'a pas été le cas partout, ce sont donc aux institutions de régler leurs problèmes. Nous on l'a dit aux institutions, vous avez quand même une responsabilité, il faut l'observer ». 

Au Centre Hospitalier de l’Université de Montréal, le CHUM, le principal hôpital francophone de Montréal et celui qui emploie le plus d’infirmières françaises, on réplique qu’on n’a pas les budgets pour verser à la centaine d’infirmières concernées les 2,3 millions de dollars qu’elles réclament. Mais on se dit « en mode solution ». Ce qui fait plutôt douter le président du syndicat des infirmiers et infirmières du CHUM Guy Brochu, qui croit que seul le Premier ministre québécois Philippe Couillard peut régler le problème : « Il faut qu’il intervienne dans le dossier pour dire : « vous allez reconnaître l’expérience de ces infirmières françaises ». Cela ne va se régler qu’avec de la pression politique, cette situation ». Un avis partagé par l’infirmière Marie-Laure Necade : « Qui va donner le OK pour qu'on soit payé ? On en appelle maintenant au Premier ministre, c'est à lui de donner les directives pour qu’effectivement on ait la rétroaction qui nous est due, depuis 4 ans, dans son intégralité. » 

Intervention de la Consule de France à Québec

Dans l’espoir de faire bouger les choses, les infirmières du CHUM ont fait appel à la Consule de France à Québec Laurence Haguenauer. Elle a écouté leurs arguments et fait des représentations auprès du ministre Barrette, mais aussi des plus proches conseillers du Premier ministre Couillard. « J'ai bon espoir que la situation se débloque, je fais confiance aux autorités québécoises avec lesquelles j'ai parlé pour qu’une solution soit trouvée rapidement et qu'il soit mis fin à cette iniquité, déclare la Consule. Je pense qu'aujourd'hui, il n'y a plus d'interrogation sur la légitimité de la demande de ces 250 infirmières, mais il faut déterminer qui va payer. C'est un sujet qui relève des autorités québécoises. Mais mes récentes discussions me laissent penser qu'il y a une volonté de le régler et moi j'ai souhaité que ce soit réglé rapidement. Il s’agit d’infirmières françaises qui ont été recrutées pour faire tourner les hôpitaux québécois, qui sont venues ici avec beaucoup de volonté et d'engagement et qui sont très contentes d'être là. Alors c’est une question de reconnaissance aussi pour ces infirmières. Ce, d’autant plus, que des infirmières françaises, les hôpitaux québécois continuent d’en recruter ». 

Ces infirmières françaises ont bon espoir que ce dossier, dans lequel les intervenants ne cessent de se renvoyer la balle, se règle prochainement. Elles ont hâte de tourner la page après presque quatre ans de combat mené sur plusieurs fronts. « Ça fait 12 ans que je suis ici, j'aime le Québec, c'est ma maison, j'aime travailler, j'aime ce que je fais, je me donne à 100% pour offrir des soins sécuritaires et de qualité aux patients. Mais cette histoire, c’est vraiment une épine dans le pied de tout le monde et à tous les niveaux. Et cette épine, il faut absolument qu'on l'enlève et puis qu'on passe à autre chose » conclut Marie-Laure Necade.