Téléphone sans fil
Pourtant, Nikita Khrouchtchev et John Fitzgerald Kennedy ne s'appellent pas tous les soirs, assis au coin du feu une couverture à carreaux sur les genoux. Non, le "téléphone rouge" n'a pas de combiné, ni de cadran à chiffres. "C'était un télétype, c'est-à-dire quelque chose qui ressemble à une sorte de télégraphe !" décrit André Kaspi. Pour Andreï Kozovoï, "le cinéma a popularisé l'image d'un téléphone rouge entre la maison blanche et le Kremlin, par exemple dans le film "
Docteur Folamour" de Stanley Kubrick." En lieu et place du téléphone imaginaire, on trouve "seulement" l'ancêtre du fax. Pour couronner le tout, le récepteur américain du Molink - abréviation pour Moscow link - est installé au Pentagone. En face, le récepteur soviétique est tenu au secret. Le dirigeant de l'URSS n'a pas la main dessus. "Les messages n'arrivaient sur le bureau des dirigeants qu'une fois reçus, décodés, et traduits", précise le chercheur à Lille.
Pour arriver à Moscou en partant de Washington, les bulletins rédigés par les responsables américains voyagent. Ils suivent le
TAT-1 (lien en anglais), un câble transatlantique installé en 1956. Londres, Copenhague, Stockholm et Helsinki sont sur leur route.
Le système a deux avantages : la vitesse et la clarté. "A notre période d'Internet on a du mal à le comprendre, mais pendant la crise, il faut souvent une douzaine d'heures pour qu'un message arrive de Moscou à la Maison Blanche, note Pierre Melandri. Il n'y a pas de ligne de téléphone directe entre l'ambassade de l'Union soviétique à Washington et Moscou. Les échanges se font entre l'ambassade et Moscou par des télégrammes codés envoyés par la Western Union. Alors on envoie des petits coursiers à bicyclette déposer les messages, ensuite transmis à Moscou. Bref, alors que les choses peuvent prendre un tour terriblement urgent, les communications sont d'une lenteur tout à fait inquiétante."
Alors que techniquement, une ligne téléphonique pourrait être mise en place et serait encore plus rapide et directe qu'un télégramme, cette hypothèse n'est pas retenue. "Par peur de malentendus", rapporte Andreï Kozovoï. Ecrits en toutes lettres et à la rédaction posée, ils permettent d'éviter les compréhensions hasardeuses et les quiproquos.
Par la suite, le système sera amélioré à deux reprises, explique le chercheur : "en 1971, des liaisons satellite et radio sont ajoutées, et en 1986, il est complété par un fax permettant la transmission de documents iconographiques et de schémas."