Fil d'Ariane
Il y a 75 ans, l'Armée rouge passait la porte d'un vaste complexe destiné au génocide des juifs par les nazis.
Elle découvrait sur 55 kilomètres carrés à l'Est de la Pologne, une implacable organisation sous la direction de Rudolf Hess toute entière au service de la "solution finale" où 1,1 million d'hommes, de femmes, de vieillards et d'enfants ont été tués. Parmi eux, un million étaient juifs.
La plupart ont été assassinés dès leur arrivée, après un voyage en train qui faisait lui-même nombre de morts. Auschwitz, divisé en 3 secteurs (Auschwitz I, Auschwitz II - Birkenau et Auschwitz III - Buna Monowitz) est le plus grand des camps d'extermination nazis, et le plus meurtrier. Pour l'historienne Annette Wievorka "Auschwitz désigne désormais par métonymie la Shoah."
Ce jour de 1945, les vivants, marqués à vie dans leur chair et dans leur âme quittaient l'enfer et seuls demeureraient les morts, plus d'un million de morts.
Parmi ces « miraculés », certains vivent aujourd’hui en Israël où ils se sont installés plus ou moins rapidement après la fin de la guerre. Quelques-uns ont consacré leur vie à transmettre, à enseigner, à prévenir d'un possible retour du péril de la folie génocidaire. D’autres encore ont mené une vie paisible, centrés sur leur famille et leur métier mais tous à jamais marqués par Auschwitz, comme un traumatisme indélébile.
Les survivants ont poursuivi chacun à sa manière un chemin de résilience : il y a ceux qui affirment haut et fort qu'Auschwitz ne leur a pas ôté la capacité d'aimer et d'aller vers l'autre, comme Dov Landau, mais il y a aussi tous ceux qui ont vécu dans le silence et dans la honte, qui ont parfois mis des années à s'ouvrir. La question du pardon est un point d'achoppement, au point qu'Avraham Gershon Binet déclare avec force qu'au bout d'une vie empreinte de religiosité, jamais il ne pardonnera aux Allemands.
Quelle forme pourra prendre le Devoir de Mémoire, - titre du livre d'un autre rescapé, Primo Levi - quand ceux et celles que l'on entend encore ne seront plus là pour témoigner ? Quels mots, quels récits ? Les livres, les pièces de théâtre ou films de cinéma suffiront-ils à faire comprendre l'horreur du camp ou faudra-t-il aller se confronter aux lieux, le musée national qu’est devenu Auschwitz, avec les chambres à gaz et les crématoriums, avec les baraquements et les latrines, avec les clôtures de barbelés et les miradors ?
En attendant, 75 ans plus tard, il est urgent de recueillir la parole de ces hommes et femmes tant qu'ils sont encore là pour raconter à la première personne la réalité qu’ils ont traversée, avec des mots simples et des histoires inouïes.