Le président américain est arrivé le dimanche 24 avril 2016 en Allemagne pour réaffirmer son soutien à Angela Merkel, alors que le "13e round" de négociation du TTIP/TAFTA débute ce 25 avril à New-York. Barack Obama a-t-il une chance de changer le cours de l'histoire et de faire boucler les négociations avant la fin de son mandat ?
Le TAFTA ou TTIP (
Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement) préoccupe au plus haut point les dirigeants des grandes nations concernées, ainsi que leurs populations. Souvent pour des raisons opposées. Quand Angela Merkel et Barak Obama affirment haut et fort ce 24 avril 2016 leur volonté de signer ce partenariat le plus vite possible, la veille, des foules de dizaines de milliers de manifestants se pressent dans les rues de Hanovre pour signifier… leur refus du TTIP.
Le traité de libre échange, de plus en plus critiqué par les opinions publiques européennes, en particulier allemande, commence à créer des dissonances politiques des deux côtés de l'Atlantique, et le président américain semble en avoir parfaitement conscience. L'opération de communication de Barak Obama en Allemagne peut-elle suffire à accélérer l'agenda des négociations et permettre de les boucler avant la fin de son mandat ?
Négocier contre l'opinion publique ?
Un sondage de la
fondation Bertelsmann (groupe de médias allemand, ndlr) indique que seulement 15% des Américains et 17% des Allemands sont favorables au TTIP et trouvent que c'est "une bonne chose", alors qu'ils étaient plus de 50% il y a deux ans. Les rues de Berlin ont réuni plus de 150 000 manifestants contre le traité à l'automne 2015, soutenus par des syndicats et des ONG, tandis que les pétitions et les prises de paroles qui y sont opposées se multiplient en Allemagne et dans une moindre mesure, au delà en Europe.
Angela Merkel a beau être un fidèle soutien au TTIP et à Obama, son propre ministre de l'Economie, Sigmar Gabriel n'est pas sur la même ligne, affirmant lors d'une interview au quotidien économique
Handelsblatt que : "
Les Américains ne veulent pas ouvrir leurs appels d'offres publics aux entreprises d'Europe. C'est tout le contraire du libre-échange, selon moi (…) Si les Américains s'en tiennent à cette position, nous n'avons pas besoin de traité de libre-échange. Et le TTIP va échouer". Le ministre de l'Economie allemand a affirmé que l'accord — en l'état — se résume aujourd'hui à "
achetez américain". On ne peut être plus lapidaire.
Les principaux reproches de l'opinion publique allemande au traité sont le nivellement par le bas des réglementations européennes environnementales et sanitaires, la possibilité pour les multinationales de porter plainte contre les Etats auprès d'un tribunal arbitral (lire notre article :
Traité transatlantique : les négociations continuent, la contestation aussi), et le manque de transparence des négociations. Les flatteries d'Obama, ce dimanche 25 avril 2016, à l'égard de la Chancelière - "
Son amie Angela, qui est du bon côté de l'histoire" -, pourront-elles suffire à faire pencher la balance en faveur d'un accord avant la fin de l'année ? Rien n'est moins sûr. Surtout lorsque l'on observe les reculs des personnels politiques français et des candidats à la primaire américaine…
Un "mauvais" moment politique
Du côté français, le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur Matthias Fekl avait prévenu dès cet été (
article Les Echos) que les Etats-Unis devaient faire preuve "
de plus de réciprocité dans les négociations" sur le projet d'accord bilatéral de libre-échange UE-USA, "
ou bien la France signerait un arrêt pur et simple des négociations". Matthias Fekl a réaffirmé le dimanche 24 avril 2016, lors de l'émission "Agora" de France Inter, qu'aucune position défendue par la France n'était pour l'heure prise en compte dans les négociations sur le traité de libre-échange transatlantique : "
Vous prenez l'ensemble des sujets aujourd'hui, aucun intérêt n'est pris en compte de la manière que nous souhaitons".
Le président de la République française lui-même, lors de sa récente intervention télévisée sur France 2 dans l'émission "Dialogues citoyens", a fait savoir qu'il pourrait s'opposer à la négociation sur le TTIP : "
S'il n'y a pas de réciprocité, pas de transparence, s'il y a un danger pour les agriculteurs, si on n'a pas l'accès aux marchés publics mais que les États-Unis peuvent avoir accès à tout ce que l'on fait ici, je n'accepterai pas". L'accès aux marchés publics est encore évoqué, un problème difficile à dépasser : à peine 50% des marchés publics américains sont ouverts à la concurrence du secteur privé, tandis que l'Europe flirte avec les 90%.
La période n'est pas favorable pour un accord transatlantique sur le libre échange. Politiquement, aux Etats-Unis, les concurrents à la primaire républicaine sont unanimes pour dénoncer le TTIP, tandis que côté démocrate, si Hillary Clinton ne s'avance pas franchement sur le sujet — bien qu'opposée à l'autre traité, le traité Transpacifique — son adversaire "socialiste" Bernie Sanders, y est lui, très clairement opposé.
Les poids lourds de l'Union européenne, par la voix du personnel politique français, par celle des mobilisations citoyennes allemandes, commencent à freiner le processus de négociation du TTIP. L'administration américaine, avec son président, tente une dernière campagne de communication — et de séduction — via Angela Merkel, mais commence à douter. Le secrétaire américain au Commerce, Michael Froman, a récemment déclaré dans le quotidien allemand
Handelsblatt que "
Sans accord cette année, il y aura une très grande incertitude sur notre capacité à jamais y arriver". Les grandes déclarations d'Obama sur la "
croissance et l'emploi" — "
forcément au rendez-vous", selon lui grâce au TTIP, ne semblent pas peser suffisamment, face aux déséquilibres — un peu trop visibles — que celui-ci risquerait d'engendrer.
A moins d'un revirement d'un côté ou l'autre de l'Atlantique, il semble que les négociations sur le TTIP soient au point mort. Au moins jusqu'à la fin du mandat de Barak Obama. Ou bien — comme le souhaiteraient ses opposants — définitivement ?
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