Fil d'Ariane
La Commission européenne indique avoir demandé des "informations détaillées" au gouvernement italien sur un accord signé à Rome visant à délocaliser en Albanie l'accueil de migrants sauvés en mer. L'accord prévoit une délocalisation aussi de leur demande d'asile.
Images du siège de la Commission européenne à Bruxelles le 23 septembre 2023.
Une porte-parole de l’exécutif européen a toutefois estimé que d'après ses "premières informations", cet accord n'était pas similaire à celui passé en 2022 entre le Royaume-Uni et le Rwanda, qui avait été critiqué par la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson.
La responsable suédoise avait à l'époque jugé que cette manière d'"externaliser les procédures d'asile (n'était) pas une politique migratoire humaine et digne".
"Nous sommes en contact avec les autorités italiennes car nous devons examiner les détails" de l'accord passé par l'Italie avec l'Albanie, a déclaré cette porte-parole, Anitta Hipper, lors du point de presse quotidien.
"En ce qui concerne (l'accord) Royaume-Uni-Rwanda (...), d'après les premières informations dont nous disposons, ce n'est pas le même cas de figure. Mais encore une fois, nous avons besoin d'informations détaillées", a-t-elle poursuivi.
Elle a rappelé que ce genre d'accord devait "respecter" le droit européen et international en matière d'asile.
L'accord signé lundi à Rome par la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni et son homologue albanais Edi Rama prévoit que l'Italie va ouvrir dans ce pays, candidat à l'adhésion à l'UE, deux centres pour accueillir des migrants sauvés en mer afin de "mener rapidement les procédures de traitement des demandes d'asile ou les éventuels rapatriements".
Ces deux centres gérés par l'Italie, opérationnels au printemps 2024, pourront accueillir jusqu'à 3.000 migrants, soit environ 39.000 par an selon les prévisions. Les mineurs, les femmes enceintes et les personnes vulnérables ne seraient pas concernés.
Un membre du gouvernement italien, Giovanbattista Fazzolari, a précisé mardi dans le Corriere della Sera que les migrants seraient emmenés directement vers ces centres, sans passer par l'Italie, et que ces structures seraient placées sous l'autorité de Rome en vertu d'"un statut d'extraterritorialité". Mais de nombreuses questions sur le fonctionnement d'un tel projet restent en suspens.
L'ONG International Rescue Committee (IRC) a fustigé un accord "déshumanisant". "Toute personne a le droit fondamental de demander l'asile, indépendamment de son origine ou de la manière dont elle est arrivée. Cette dernière décision de l'Italie s'inscrit dans une tendance inquiétante qui porte atteinte à ce droit", a déploré Imogen Sudbery, directrice de l'IRC en Europe.
L'Italie est confrontée à un afflux de migrants depuis janvier (145.000 contre 88.000 en 2022 sur la même période). Les règles européennes prévoient que d'une manière générale, le premier pays d'entrée d'un migrant dans l'UE est responsable du traitement de sa demande d'asile, et les pays méditerranéens se plaignent de devoir assumer une charge disproportionnée.
L'UE est en train de finaliser une réforme de sa politique migratoire, prévoyant notamment un renforcement des frontières extérieures de l'UE ainsi qu'un mécanisme de solidarité obligatoire entre pays de l'UE dans la prise en charge des demandeurs d'asile.
Les Européens tentent aussi de réduire l'immigration irrégulière en passant des accords avec des pays tiers, comme la Tunisie récemment, afin que ces derniers empêchent les départs de migrants.