Fil d'Ariane
Pour surmonter leurs divergences sur l'Iran, Emmanuel Macron propose à Donald Trump un "nouvel accord" au-delà des seules questions nucléaires. Mais les inconnues l'emportent sur les chances d'aboutir, et ce pari semble voué à gagner du temps et à préparer l'avenir en cas de retrait américain.
Les Etats-Unis et la France ont signé en 2015, avec l'Iran mais aussi la Russie, la Chine, l'Allemagne et le Royaume-Uni, l'accord censé empêcher Téhéran d'avoir l'arme atomique.
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Mais l'actuel président américain a promis de "déchirer" ce texte, auquel il reproche de ne faire que repousser de quelques années l'échéance d'une bombe iranienne. Il a donné jusqu'au 12 mai aux signataires européens pour trouver, avec Washington, des solutions pour le "durcir" -- sans impliquer l'Iran. Faute de quoi, il rétablira les sanctions américaines, synonyme de mort probable pour l'accord iranien.
Personne ne connaît vraiment les intentions du président des Etats-Unis.
Mais son homologue français n'a pas caché son pessimisme mercredi, estimant qu'il risque de sortir de l'accord de 2015, surtout "pour des raisons de politique intérieure".
Je n'ai aucune information d'initié pour savoir ce que le président américain va décider sur l'accord nucléaire iranien, mais je suis doté des mêmes sens que vous, et il m'a semblé constamment entendre depuis la campagne du président Trump jusqu'à la déclaration faite hier qu'il n'avait pas une volonté farouche de le maintenir ou de le défendre.
Emmanuel Macron, président français, 26 avril 2018
"Macron et Trump ne se sont mis d'accord sur rien", rappelle d'ailleurs Luigi Scazzieri, spécialiste du Moyen-Orient au Centre for European Reform, soulignant que l'Américain n'a rien promis, en public, au Français. "Mais Trump a semblé relativement ouvert à l'idée de Macron de garder l'accord actuel tout en l'élargissant."
Avec son "nouvel accord" plus "large" présenté mardi, le président français "présente intelligemment le même problème d'une manière différente", estime Behnam Ben Taleblu, du groupe de pression Foundation for Defense of Democracies très en pointe dans la critique du pacte de 2015.
Ces nouvelles négociations devraient porter sur les préoccupations exprimées par Donald Trump, mais en préservant l'accord d'origine qui deviendrait le premier des "quatre piliers" d'un futur texte. Les autres "piliers" concernent l'après-2025, quand certaines clauses vont expirer, mais aussi les missiles balistiques très controversés de Téhéran et son rôle jugé "déstabilisateur" dans la région.
Principale nouveauté: il ne s'agit plus de rustines discutées entre Occidentaux, mais d'une négociation impliquant l'Iran et les autres puissances.
"Il est nécessaire de négocier avec l'Iran", acquiesce Behnam Ben Taleblu. Sinon, "à un moment donné vous aurez un problème car l'objectif final c'est que l'attitude iranienne change".
Or l'Iran, soutenu par la Russie, rejette pour l'instant toute idée de nouvelle négociation.
Il est trop tôt pour dire si nous pourrons trouver un accord avec les Européens, il y a encore des divergences.
Brian Hook, le principal négociateur des Etats-Unis, à la radio publique américaine.
L'urgence reste un accord américano-européen.
Pour cela, encore faut-il que les pays de l'Union européenne s'entendent entre eux.
"C'est le cas pour Londres, Berlin et Paris", assure Luigi Scazzieri, alors que la chancelière allemande Angela Merkel est aussi attendue à la Maison Blanche vendredi. "C'est moins vrai pour l'Italie", peu enthousiaste à l'idée de nouvelles sanctions contre les missiles iraniens, ajoute-t-il, "mais son opposition paraît surmontable".
"L'accord nucléaire sur l'Iran doit être préservé", affirmait mercredi Federica Mogherini, la cheffe de la diplomatie de l'UE.
Pour Behnam Ben Taleblu, tout ne sera pas joué le 12 mai.
Le 12 mai n'est pas la fin de l'histoire. Trump peut toujours choisir de rétablir les sanctions sans les mettre en oeuvre immédiatement ou trouver d'autres moyens juridiques pour amoindrir leur impact.
Behnam Ben Taleblu, groupe de pression Foundation for Defense of Democracies
Mais convaincre la Russie, la Chine, et a fortiori l'Iran de négocier un "nouvel accord" semble, à ce stade, mission impossible.