Au delà des changements de règles dans les échanges commerciaux internationaux qu'imposeraient ces accords à l'Union, une sorte de recomposition de l'espace démocratique pourrait voir le jour, basée sur un système déjà en place aux Etats-Unis et dans des zones de libre échange déjà existantes :
le tribunal arbitral commercial privé.
Le député écologiste français Yannick Jadot,
membre du comité stratégique sur l’accord de partenariat transatlantique entre l’Europe et les Etats-Unis,
dénonce sur son blog ce "hold-up" à venir des multinationales à l'encontre des Etats : "La mise en place d’un mécanisme juridique spécifique sera utilisée par les entreprises, américaines et européennes, pour attaquer directement les Etats si elles considèrent que des lois réduisent leurs bénéfices. Elles n’hésiteront pas à demander des centaines de millions d’euros de dommages et intérêts comme c’est déjà le cas en Amérique du Nord. Ce traité sert les intérêts privés au détriment de l’intérêt général, les firmes multinationales au détriment des citoyens des deux côtés de l’Atlantique".
Ce système de tribunal arbitral privé était déjà proposé au sein de l'
Accord Multilatéral pour l'Investissement (AMI) en 1995 : celui-ci avait été abandonné en 1998. La possibilité de voir des pays attaqués en justice par des firmes privées au sein d'une cour constituée d'avocats d'affaires, et sans appel possible, avait alors créé un tel scandale que l'AMI n'avait pu être signé par les chefs d'Etats des grandes nations industrielles.
Depuis, des tribunaux arbitraux ont été mis en place dans le cadre de zones de libre échange spécifiques : l'accord de libre échange nord américain,
l'ALENA (en anglais, North American Free Trade Agreement, NAFTA), a permis récemment, par exemple, à une firme pétrolière américaine, Lone Pine, d'attaquer l'Etat canadien en justice. En cause : l'application par le gouvernement canadien d'un moratoire sur les gaz de schiste.
Lone Pine demande 250 millions de dollars américains de dommages et intérêts. Cette entreprise estime qu'interdire l'exploitation des gaz de schiste — qui causent des dommages environnementaux jugés inacceptable par le gouvernement canadien — lésait ses investissements et ses profits à venir : le tribunal privé de l'ALENA est saisi, le Canada pourrait être condamné pour vouloir protéger ses nappes phréatiques…