Adonis, le nom qu’il s’est choisi dès ses premiers essais d’écriture, brouille les pistes. Adonis, pour l’état-civil s’appelle Ali Ahmed Saïd Esber et il compte, pour le présenter en quelques mots, parmi les plus grands poètes arabes vivants. Sa réputation est immense, non seulement dans son aire linguistique, mais dans le monde, le petit monde qui s’intéresse à la poésie contemporaine. En France, poètes et traducteurs-amis l’ont adapté dans notre langue, qu’il maitrise d’ailleurs à la perfection. Une dizaine de volumes sont disponibles. Mais Adonis est aussi une référence intellectuelle et morale. Il a 84 ans cette année et son avis est de plus en plus sollicité, depuis que son pays d’origine, la Syrie, est déchirée par la guerre civile, depuis que les Arabes, au fil de « Printemps » successifs essayent de s’inventer un avenir. C’est cet Adonis engagé qui paraît aujourd’hui dans ce recueil d’articles traduits en français. « Printemps arabe. Révolution et religion » reprend des textes publiés pour l’essentiel dans les journaux arabes. Dans ses analyses exigeantes, Adonis souligne l’espoir, mais pointe aussi sans concession, les faux-semblants des « Révolutions ». Printemps arabes Pour obtenir la liberté, l’homme arabe, juge t’il, doit avant tout réaliser une révolution intérieure, séparant clairement, dans son esprit et dans ses institutions, la religion et l’Etat. A l’heure où la lutte contre les dictateurs se fait au nom de l’Islam, où les partis islamistes, voire les groupuscules djihadistes, tentent de tirer leur épingle du jeu et d’incarner l’alternative, Adonis est donc un peu seul et souvent mal compris. Ainsi, une partie de l’opposition syrienne lui a reproché de ne pas prendre fait et cause pour son combat. Il répond qu’il condamne la violence d’où qu’elle vienne et que ces opposants n’incarnent pas toujours un projet novateur. Sa « Lettre ouverte » au président Assad montre pourtant qu’il n’a rien d’un soutien du régime. Sa vie aussi témoigne pour lui : Adonis – Ali est né en 1930 près de Lattaquié, dans une famille alaouite de Syrie. Adonis fait des études brillantes et des premiers pas poétiques précoces et remarqués. Mais un peu de politique aussi … après quelques mois de prison, en 1955, il s’exile à Beyrouth où il fonde la revue Chi’r avec Youssouf el Khal. En littérature comme en politique, Adonis est un moderniste intransigeant. En 1980, il s’installe à Paris où il poursuit son œuvre et où il vit toujours. Loin du fracas mais toujours vigilant, il observe aujourd’hui la marche de l’Histoire des Arabes avec l’empathie et la distance qui conviennent aux sages. « Printemps arabe. Révolution et religion » par Adonis, Éditions de la Différence, Paris, 2014.