Alain Juppé, Jean-Pierre Chevènement, ou encore Delphine Batho, Alexis Corbière... les élus qui vivent dans des logements sociaux ne cessent de provoquer l’indignation depuis des années.
Aujourd'hui c'est François de Rugy qui est épinglé par
Mediapart. Selon nos confrères, le Ministre de la Transition écologique aurait joui d’un logement social alors que sa situation financière ne s'y prêtait pas. Mais même si le média consacre un dossier complet et que François de Rugy assure ne jamais avoir demandé de logement social "
de toute (sa)
vie", il n’est que l’énième exemple issu d’une liste d’hommes et de femmes politiques qui ont profité de ces attributions de logements.
Mais malgré l'indignation que provoquent ces situations illégitimes, ces politiques ont — la plupart du temps — parfaitement le droit d'occuper ces logements à prix plus bas que ceux du parc privé. Ils profitent en fait de nombreuses failles de la législation concernant les logements sociaux.
Quels critères ?
Pour en bénéficier, une personne ne doit pas dépasser un certain plafond de revenus. Ce plafond diffère en fonction du type de logement social.
Par exemple, si une personne seule veut louer une HLM à Paris de type "prêt locatif aidé à l'intégration", soit le niveau le plus bas, elle ne doit pas toucher plus de 12.733 euros par an. Mais si elle loue un
PLI ("prêt locatif intermédiaire"), plutôt destiné aux classes moyennes, son salaire peut aller jusqu'à 41 663 euros par an, soit environ 3.500 euros par mois. L'indémnité parlementaire perçue par un député (ce qui était le cas ici pour François de Rugy) est d'un peu plus de 7.000 euros par mois. Il ne peut donc, à priori, pas bénéficier d’un logement social.
Le bailleur décisionnaire
Avant 2009 et la loi
Molle, si une personne intégrait une HLM, elle ne pouvait pas en être délogée. Mais dans le cas où les revenus des locataires augmentent, ils doivent s'acquitter d'un surloyer si leurs revenus dépassent de plus de 20% le plafond. Mais depuis, la législation a évolué et prévoit que si une personne obtient une augmentation de salaire, elle peut être amenée à quitter son logement social pour laisser la place à une personne plus légitime.
Mais pour être forcée de déménager, la personne doit avoir des revenus qui excèdent de 200% le plafond de ressources fixé lors de l'attribution de son logement (150% depuis le 1er janvier 2018). Cette personne a ensuite trois ans pour déménager (18 mois depuis le 1er janvier 2018).
Cependant le bailleur reste le seul décisionnaire et il peut facilement être amené à fermer les yeux car la situation lui offre une garantie supplémentaire de percevoir un loyer à la fin du mois.
Logement sociaux et politiques : les liaisons dangereuses
Si les cas sont différents, beaucoup d’hommes et de femmes politiques, de tous les partis, ont été impliqués dans des affaires de logements. Voici quelques exemples :
- En 2017, Danièle Simonnet vit dans un logement social et refuse de le quitter malgré la polémique. La Conseillère de Paris sur la liste France Insoumise explique alors qu’elle refuse de loger dans le privé pour ne pas enrichir un propriétaire tout en participant à la spéculation immobilière.
- Condamné dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris, Alain Juppé avait déjà été l’objet d’une polémique en juin 1995 alors qu’il était Premier ministre. Cela faisait 5 ans que le maire RPR (droite) de Bordeaux vivait dans un appartement appartenant à la Ville de Paris dans le très chic VIème arrondissement de la capitale. 180 mètres carrés au tarif de 2.100 euros par mois. Il a immédiatement déménagé face aux critiques.
- Secrétaire d’État à la Ville de Nicolas Sarkozy, Fadela Amara a provoqué un scandale en 2010. Elle habitait dans un appartement de 55 mètres carrés appartenant à la régie publique des HLM parisiens dans le 13ème arrondissement alors qu'elle prêtait son appartement de fonction du VIIème arrondissement à des membres de sa famille.
À qui la faute ?
Invité sur LCI suite à l'affaire de Rugy, l’adjoint au Logement de la capitale, Ian Brossat, l’assure : "
La ville n’est associée à rien dans cette affaire, ni dans la désignation, ni dans l’attribution". C’est donc à l’État que l'élu communiste renvoie la responsabilité.
Selon une enquête publiée par Ouest-France, il s’avère que François de Rugy serait en réalité totalement dans la légalité.
En 2016, alors qu’il venait de se séparer de la mère de ses enfants, il aurait signé un bail, dont le plafond annuel était fixé à 78.000 euros, quand ses revenus déclarés en 2014 étaient de 48.000 euros. Cependant, et c’est là que se trouve la faille juridique, l’augmentation de ses revenus n’a pas été prise en compte "
parce que la loi n’oblige pas à le faire".
Mais on le voit, l’affaire de Rugy est avant tout une histoire de symboles, dans une France où les gilets jaunes rythment la vie politique depuis des mois. Et même si la faute n'est pas d'ordre juridique, il est difficile de faire fi de cette affaire qui appartient au "vieux monde", alors que le gouvernement d'Emmanuel Macron a mis en avant son désir d'insuffler un vent de renouveau dans la politique française.
Pour aller plus loin :
France : l'ex-directrice de cabinet de François de Rugy accuse