Fil d'Ariane
La presse internationale, dans son ensemble, juge François Fillon totalement décrédibilisé dans la course à l'Elysée. Les rémunérations publiques perçues par sa femme et ses enfants ne passent pas. Celui qui se disait "intègre, honnête et transparent" peut-il vraiment continuer ? s'interrogent les éditorialistes.
Les politiques français bénéficient-ils d'une impunité ? Pourquoi donc cette absence de morale ? Les journaux qui s'interrogent oscillent tous entre stupéfaction et désolation.
Pénélope Fillon, la femme de l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy est soupçonnée d’avoir bénéficié d’emplois fictifs pour lesquels elle aurait perçu une rémunération de 831 440 euros bruts. Le Canard Enchaîné, l'hebdomadaire satirique qui a sorti l'affaire, en remettait une couche dans son édition de mercredi 1er février 2017.
Cette fois, nouveau malaise dans sa famille privée et politique, l'affaire concernerait deux des enfants de François Fillon. Marie, l’aînée était alors âgée de 23 ans. Elle aurait été engagée par son père pendant 15 mois pour la somme de 3800 euros brut mensuels et cela, alors qu'elle venait tout juste de terminer ses études de droit. Un début prometteur...
À son départ, en 2007, pas question d'employer quelqu'un d'autre, la voici remplacée par le cadet de la famille, Charles, encore étudiant en droit. Qu'à cela ne tienne ! Il occupera le poste durant six mois pour 4800 euros brut par mois, soit 27 % de plus que sa soeur. Au delà du constat de cet étonnant écart de salaire, une question : quelle fut la réalité de leur fonction ?
La justice, bien entendu, tranchera mais le scandale est dévastateur dans un pays, la France, où au cours de la décennie (2004-2014), le nombre de pauvres a augmenté de plus d'un million et où près de 12 millions de personnes éprouvent des difficultés à payer leur facture de gaz et d'électricité. Dans le secret de l'isoloir, comment accorder sa confiance à quelqu'un qui préconise des efforts sans jamais lui-même montrer l'exemple ?
Dernier rebondissement : la diffusion par le magazine Envoyé Spécial, ce jeudi 2 février, d'une interview accordée à un journal anglais en 2007 où l'épouse du candidat de droite à la présidentielle explique qu'elle n'était pas l'assistante de son mari. Pour son malheur, les médias ont une mémoire.
Pour le Guardian, la messe est dite. La campagne de François Fillon est tout simplement condamnée : "Même si Fillon prouve que sa femme a effectué le travail pour lequel elle a été rémunérée, le Penelope Gate pourrait se révéler être un long et lent poison pour sa campagne". Par ailleurs, le quotidien britannique dénonce le manque de "morale" de la classe politique française : "Pendant des décennies, la politique française est apparue comme un univers moral parallèle où les politiciens poursuivaient leurs mandats et prétendaient à des réélections sans être inquiétés dans les urnes par les enquêtes judiciaires en cours. Avec une défiance croissante vis-à-vis de la classe politique, cette époque pourrait arriver à son terme."
Nettement plus incisif et mordant, son confrère, The Independent, estime, lui, que la fraude est une habitude dans la politique française. "L'aisance avec laquelle des représentants élus peuvent écarter d’un revers de main des accusations bien étayées, selon lesquelles ils remplissent leurs poches avec de l’argent public, est véritablement stupéfiante".
Alors que François Fillon se dit victime d’un coup d’Etat institutionnel, le journal suisse Le Temps se demande "où est le lynchage alors que dans d’autres pays européens, la pression à sa démission aurait été immédiate ? (...) François Fillon est-il cet homme affable, rassurant, déterminé qui a séduit 4 millions d’électeurs ? Ou ce hobereau de Sablé-sur-Sarthe en son manoir ? Un conservateur proche du peuple ou un profiteur de la République ? Difficile d’être encore audible."
Au cœur de la campagne ébranlée de @FrancoisFillon (par @LTwerly) https://t.co/e89vZgXHNt pic.twitter.com/x4Yqlifuay
— Le Temps (@letemps) 2 février 2017
L’hebdomadaire allemand Die Zeit se borne à constater, sobrement : "Alors qu’il était jusque-là considéré comme l’homme intègre de la politique française, François Fillon, candidat conservateur et favori pour l’élection présidentielle, connaît désormais son premier vrai scandale".
Le New York Times estime, lui, que "ces allégations sont particulièrement préjudiciables à François Fillon étant donné qu’il s’est engagé à réduire les dépenses inutiles et s’est façonné une image de politicien sévère et honnête, et vierge de tout scandales de corruption, contrairement à certains de ses adversaires".
Pour Bjørn Willum, correspondant à Paris de la Radio-télévision danoise, une telle situation serait inconcevable dans son pays : "Au Danemark, Fillon serait cuit depuis longtemps. C’était le premier candidat en France à promettre du sang, de la sueur et des larmes, et non des rêves. Son programme économique était crédible, avec la vision d’une France en faillite qui doit vite se redresser. Désormais, c’est en contradiction totale avec ses propres actes. Son programme ne tient plus la route."