Le 16 novembre 2009, Sergueï Magnitsky, un avocat d’affaires américain d’origine russe, employé par un fonds d’investissement britannique à Moscou, meurt dans une prison russe où il était détenu depuis près d’un an pour fraude fiscale. Maintenu au secret dans des conditions indignes, le jeune juriste de 37 ans développe une pancréatite aiguë, qui ne sera pas soignée, et dont il mourra. Mais son corps est aussi marqué par les coups. Et les responsables directs de sa mort, rapidement identifiés, ne sont pas inquiétés. Un seul est poursuivi, l’ancien médecin chef adjoint de la prison Boutyrka, Dmitri Kratov, pour négligence. Il a été relaxé le vendredi 28 décembre 2012, tandis que les poursuites post mortem contre Sergueï Magnitsky sont maintenues (le procès devrait être s’ouvrir le 28 janvier 2013). Entre lutte contre la corruption et Etat de non droit Pourtant, au sommet de l’Etat, une enquête avait été diligentée par Dmitri Medvedev lui-même, alors président en exercice de la fédération de Russie. Et puis rien : les responsables pénitentiaires ont été démis de leurs fonctions, et les inspecteurs de la police fiscale promus. Sergueï Magnitsky avait dénoncé un complot dont lui et ses collègues (qui ont fui à Londres) auraient été victimes, mais il est possible aussi que la fraude fiscale soit avérée, tant cette pratique est devenu le sport national favori des compagnies nationales et internationales installées en Russie. Ce qui étonne, c’est la dimension que l’affaire a prise de part et d’autre du monde. Les mauvais traitements ne manquent pas dans les prisons russes (ni dans les américaines, cf
le camp de Guatanamo…), et ils sont régulièrement mis au jour par les organisations de défense des droits humains. Il semble que derrière cette indignation, se profilent des raisons plus terre à terre, sous-tendues par la crise : le Magnitsky act américain a en effet suspendu l'abrogation de l'
amendement Jackson-Vanik de 1974, qui imposait de sévères restrictions aux échanges commerciaux avec l'Union soviétique et, par la suite, avec la Russie, héritière en droit de l'URSS.