Passe d'armes verbales entre l'Allemagne et la Russie, dimanche 6 septembre, la première accusant ouvertement la seconde d'avoir empoisonné l'opposant russe, Alexeï Navalny. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a notamment brandi la menace de sanctions si la lumière sur l'incident n'était pas faite « dans les prochains jours.»
L'Allemagne, qui préside actuellement l'Union européenne, a accru dimanche la pression sur Moscou en menaçant la Russie de sanctions, faute de réponse «
dans les prochains » jours sur l'empoisonnement, avéré selon Berlin, de l’opposant Alexeï Navalny.
«
Fixer des ultimatums n'aide personne, mais si dans les prochains jours la partie russe ne contribue pas à clarifier ce qui s'est passé, alors nous allons devoir discuter d'une réponse avec nos partenaires », a déclaré, Heiko Maas, ministre fédéral des Affaires étrangères, au quotidien Bild.
M. Maas a, pour la première fois, directement accusé l’Etat russe d’être responsable de l’incident. «
Il y a plusieurs indices en ce sens, c'est la raison pour laquelle la partie russe doit maintenant réagir, a-t-il expliqué.
La substance mortelle avec laquelle Navalny a été empoisonné s'est trouvé dans le passé en possession des autorités russes. Seul un petit nombre de personnes ont accès au Novitchok et ce poison a déjà été utilisé par les services russes pour l'attaque contre l'ex-agent (russe) Sergueï Skripal » en Grande-Bretagne.
Il a ajouté que si l’affaire devait aboutir à des sanctions, elles devront être « ciblées. »
Le projet Nord Stream 2 menacé ?
Le dirigeant allemand n’a, par ailleurs, pas totalement exclu une incidence sur le projet phare mais controversé du gazoduc Nord Stream 2, censé approvisionner l'Allemagne et l'Europe en gaz russe.
«
J'espère en tout cas que les Russes ne nous contraindront pas à changer notre position sur Nord Stream », a dit le ministre, tout en appelant à ne pas «
réduire » le débat à ce seul dossier.
Avec l'empoisonnement d'Alexeï Navalny, le gouvernement d'Angela Merkel fait face à une pression croissante pour revoir son soutien à cette entreprise.
Les Etats-Unis mènent, depuis plusieurs années déjà, une intense campagne pour tenter de le torpiller. Des sanctions sont appliquées contre les entreprises impliquées dans le chantier, actuellement à l'arrêt, malgré les protestations européennes.
Jusqu'ici, la chancelière a toujours tenu à scinder les deux dossiers, compte tenu des intérêts économiques et énergétiques majeurs pour son pays : plus d'une centaine d'entreprises européennes, dont la moitié allemandes, y sont associées.
Sur le plan national, Nord Stream est néanmoins devenu un sujet de débat entre les prétendants à la succession à la chancellerie, et au sein même du camp conservateur, en vue des élections législatives de fin 2021.
Parmi eux, Friedrich Merz, qui fait figure de favori pour reprendre la présidence de l’Union chrétienne démocrate (CDU), et le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des députés, Norbert Röttgen, ont appelé à stopper le gazoduc, sous peine selon ce dernier «
d'encourager Poutine » à «
poursuivre sa politique. »
Pour l'ambassadeur d'Ukraine en Allemagne, Andrij Melnyk, un arrêt de Nord Stream 2 ne serait pas suffisant.
Dans une interview à l'agence de presse allemande DPA, il a demandé, dimanche, un embargo total de trois mois sur toutes les importations de gaz et de pétrole russe en Europe, afin de «
priver le régime de Poutine de la principale source de revenus de sa politique agressive ».
(Re)voir : empoisonnement d'Alexeï Navalny : bataille médiatique et politique entre la Russie et l'Allemagne
« Double jeu »
En réponse, la Russie a de son côté accusé l'Allemagne de retarder l'enquête sur l'empoisonnement présumé de l'opposant russe Alexeï Navalny, dans une déclaration du ministère russe des Affaires étrangères.
«
Berlin est en train de retarder le processus de l'enquête qu'elle réclame. Délibérement ? », s’est interrogée la porte-parole du ministère, Maria Zakharova, estimant que Berlin tardait à répondre aux requêtes de la justice russe. «
Jusqu'à présent, nous ne sommes pas sûrs que l'Allemagne ne joue pas un double jeu. »
«
Quelle est l'urgence sur laquelle vous insistez ? », a-t-elle ajouté, à l'adresse de M. Mass.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait accueilli, cette semaine, avec «
une bonne dose de scepticisme », les accusations d'assassinat et demandé à Berlin de fournir des preuves.
Principal opposant russe et bête noire du Kremlin, Alexeï Navalny est actuellement hospitalisé à Berlin.
Selon le gouvernement d'
Angela Merkel, il a été «
sans équivoque » empoisonné en Russie lors d'une tournée électorale, avant son transfert en Allemagne, par un agent neurotoxique de type Novitchok, conçu à l'époque soviétique à des fins militaires.
Berlin et les autres pays occidentaux ont exhorté Moscou à plusieurs reprises à faire la lumière sur l'empoisonnement.
Jeudi, le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, avait déjà évoqué d'éventuelles sanctions.