C'est un soulagement qui pourrait être de courte durée. Après deux semaines d'incarcération à Paris en grève de la faim, la chanteuse franco-malienne Rokia Traoré est libérée sous contrôle judiciaire. Loin d'être tirée d'affaire, elle devra se présenter devant la justice belge.
C'est en femme partiellement libre que Rokia Traoré quitte le palais de justice de Paris ce mercredi 25 mars. Le verdict est tombé : libération sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire français, dans l'attente d'une décision pour sa remise à la justice belge. Pour son avocat, Maître Kenneth Feliho, "
la requête de mise en liberté pour raisons médicales a porté ses fruits".A (re)lire : Affaire Rokia Traoré, la star malienne reste en prison Une audience sous le signe du confinement
Coronavirus oblige, c'est en visio-conférence que l'audience publique de la chanteuse franco-malienne s'est tenue. "
Combative", selon son avocat, elle serait apparue
"famélique" après quinze jours de grève de la faim.
Depuis le 18 mars, date du report du délibéré, son avocat Me Kenneth Feliho affirme ne pas avoir pu échanger avec la star : "
Les parloirs sont fermés à cause du Covid-19. Ma cliente aurait pu remplir un formulaire pour les échanges téléphoniques mais cela ne s'est pas fait en raisons de dysfonctionnements logistiques". Dans la salle, Me Kenneth Feliho plaide aux côtés de Me Kominé Bocoum, qui représente l'Etat malien pour le volet diplomatique. Lorsque Rokia Traoré est arrêtée le 10 mars lors d'une escale à Paris, son passeport diplomatique n'a pas empêché son incarcération immédiate à la prison de Fleury-Mérogis en France.
L'artiste internationale, devait se rendre en Belgique afin de plaider sa cause dans le cadre d’un conflit l’opposant à son ex-compagnon belge, le directeur artistique belge Jan Goosens.
Rokia Traoré accuse son ex-compagnon de s’être livré à des attouchements sexuels sur leur fille de cinq ans et refuse de la remettre à son père, alors qu'une décision de la justice belge accorde la garde exclusive au père. Les magistrats belges poursuivent donc Rokia Traoré pour "
enlèvement, séquestration et prise d’otage". Problème : la justice malienne, quant à elle, a accordé la garde exclusive à Rokia Traoré.
A (re)lire : Rokia Traoré incarcérée, du drame privé à l'affaire publique La mobilisation internationale autour de Rokia Traoré
Au Mali, la Commission nationale des droits de l'Homme (CNDH) a publié un communiqué daté du 23 mars, et se disait "
préoccupée" par "
l'incarcération à titre préventif" de Rokia Traoré. L'organisation demandait
"[...] à la justice française d'accéder à la requête de mise en liberté de Rokia Traoré pour des raisons légitimes humanitaires et sanitaires", tout cela dans "
l'intérêt de l'enfant".
Pétition en ligne,
tribune,
campagne de soutien... Depuis l'incarcération de celle que l'on nomme "
l'ambassadrice" de la musique malienne, la vague d'indignation est générale. Personnalités du monde politique, intellectuel et artistique se mobilisent contre ce que l'écrivain et économiste sénégalais Felwine Sarr qualifie de
"scandale". L'universitaire s'est d'ailleurs félicité de la libération de Rokia Traoré sur son
compte Facebook.
De leur côté, les avocats de Rokia Traoré préparent d'ores et déjà le pourvoi en cassation du mandat d'arrêt émis par la Belgique, où elle risque cinq ans de prison.