Reconstruire le pays
Corruption, drogue, fragilité de l'Etat de droit et de l'armée afghane, soutien financier international en baisse...les Etats-Unis ont identifié sept "zones à haut risque" en Afghanistan pour l'après-retrait des forces internationales. Ce rapport publié début décembre a été effectué par John Sopko, l'Inspecteur général pour la reconstruction en Afghanistan (
SIGAR), un organisme américain.
"Le Sigar cherche à identifier et à traiter les problèmes systémiques auxquels est confrontée la reconstruction (de l'Afghanistan) financée par les Etats-Unis", souligne le rapport de cet inspecteur général indépendant chargé depuis 2008 de surveiller l'allocation des milliards de dollars investis par les Etats-unis pour tenter de remettre sur pieds l'Afghanistan. Voici quelques points-clés du rapport.
Corruption et Etat de droit : John Sopko se demande dans son rapport si le département d'Etat dispose d'une stratégie anti-corruption, notamment au sein du gouvernement afghan.
Investissements : l'essentiel des quelque 104 milliards de dollars que les Etats-Unis ont dépensés depuis fin 2001 pourraient être perdu "parce que les Afghans ne sont pas en mesure d'entretenir cet investissement sans la poursuite d'un soutien massif des donateurs", s'alarme le Sugar, citant notamment les secteurs cruciaux de l'énergie et de la santé.
Vulnérabilité des forces de sécurité : quelques 62 milliards de dollars ont été investis par Washington pour bâtir des forces armées et de sécurité afghanes. Mais sans le maintien d'une mission de formation et d'entraînement, cet investissement militaire risque de partir en fumée.
Assistance financière directe : depuis 2010, les Etats-Unis et d'autres donateurs étrangers ont remplacé les contrats et les prêts par une aide directe à Kaboul. Le Sigar redoute que les autorités afghanes soient incapables de gérer ces flux d'argent et réclame un resserrement des contrôles.
Trafic de drogue : il profite aux talibans ainsi que d'autres groupes d'insurgés ou criminels. Malgré une décennie coûteuse en programmes anti-narcotiques, les Nations unies ont noté en 2014 un nouveau record de culture d'opium. Parallèlement, l'économie du pays sous perfusion internationale depuis 2001 risque de pâtir de la baisse des investissements étrangers."L'expansion de la culture et du trafic de drogue met en danger l'ensemble des investissements pour la reconstruction de l'Afghanistan", estime le SIGAR.
"A double tranchant"
Pour poursuivre la formation de l'armée afghane, un contingent de 12 500 hommes sera déployé dès le 1er janvier 2015. La mission s'appelle "Soutien résolu". "Sans ces 13 000 hommes, la sécurité du pays se dégraderait. En effet, si le président afghan Ashraf Ghani n'avait pas signé cet accord bilatéral de sécurité, les Américains avaient prévenu que ce serait l'"option zéro", comme en Irak. Cela signifie : "si vous voulez qu'en s'en aille, on s'en va, mais vous n'aurez plus un centime", explique Georges Lefeuvre. "Or, avec 330 000 hommes, il faut beaucoup d'argent pour payer les salaires. Les USA dépensent 4 milliards de dollars par an pour soutenir l'armée afghane. D'un côté, l'accord permet une certaine sécurité du pays d'un autre côté, les talibans ne veulent pas négocier tant qu'il reste des soldats étrangers sur le sol afghan. C'est une ambiguïté terrible".