Fil d'Ariane
"C'est un massacre": l'explosion d'une ambulance piégée samedi au centre de Kaboul, revendiquée par les talibans, a fait au moins 60 morts et une centaine de blessés, semant terreur et désolation dans l'un des quartiers les plus vivants de la capitale afghane.
"Le kamikaze a utilisé une ambulance pour passer les barrages. Il a indiqué au premier contrôle qu'il acheminait un patient vers l'hôpital Jamuriate" voisin, explique Nasrat Rahimi, porte-parole adjoint du ministère de l'Intérieur. "Au second barrage, il a été identifié et a fait détoner sa charge", ajoute-t-il. Débordés, les hôpitaux renvoient les patients d'un établissement à l'autre. Celui de l'ONG italienne Emergency est contraint de les installer sur des matelas à même les pelouses.
L'attentat a été revendiqué par le porte-parole des talibans Zabihullah Mujahid sur WhatsApp : "un martyr a fait sauter sa voiture piégée près du ministère de l'Intérieur où se trouvaient de nombreuses forces de police". L'explosion, de très forte intensité, a littéralement secoué la capitale. Les fenêtres du bureau de l'AFP, situé à près de 2 km, ont tremblé. Dans "Chicken Street", la rue des antiquaires, non loin de là, les vitres ont volé en éclats, comme partout à plusieurs centaines de mètres à la ronde. De très nombreux corps de morts et de blessés, gisaient sur les trottoirs, que les riverains aidaient à évacuer. Les nombreuses victimes, hommes, femmes, enfants, acheminées dans l'hôpital Jamuriate, étaient traitées dans les couloirs submergés, a-t-il observé.
"J'ai vu des mares de sang" a confirmé un témoin qui s'est évanoui sous la puissance du souffle, au milieu des débris jonchant la chaussée. "C'est un massacre", a affirmé sur Twitter Dejan Panic, coordinateur d'Emergency, accompagnant son message de photos montrant les très nombreuses victimes allongées dans les couloirs, sous les préaux et, en plein soleil d'hiver, sur les pelouses de l'établissement.
Emergency, spécialisée en chirurgie de guerre, fait savoir qu'elle ne peut accueillir davantage de patients. "A l'hôpital Jamuriate on nous a dit qu'ils étaient pleins de morts et blessés, ils nous ont renvoyés sur Emergency. Mais ici aussi ils sont débordés, ils n'ont plus de place. Ils demandent aux gens qui ne sont pas en danger de mort de trouver un autre hôpital" a raconté à la télévision Ariana News un homme qui amenait son frère blessé et a perdu son ami, boulanger.
La panique était totale. Un immeuble voisin de l'hôpital Jamuriate, haut de quelques étages et profondément lézardé, menaçait de s'effondrer, selon le photographe, et les médecins ont demandé aux civils d'aider à évacuer les blessés qui risqueraient d'être ensevelis.
L'attentat a eu lieu devant l'un des barrages protégeant l'accès à une avenue qui conduit à plusieurs institutions : des bureaux du ministère de l'Intérieur, le siège de la police, la délégation de l'Union européenne et le lycée pour filles Malalai.
Le Haut Conseil de la Paix, chargé des négociations - bloquées - avec les talibans, estimait avoir été la cible privilégiée. "Ils ont visé notre barrage. C'était énorme, toutes nos vitres sont soufflées", a indiqué à l'AFP un de ses membres, Hassina Safi. Les membres de la délégation européenne ont été rapidement mis en sécurité dans leur pièce sécurisée.
Le scénario de l'ambulance est l'un des plus redoutés. Et pourtant, les ambulances qui se dirigent vers l'hôpital Jamuriate étaient systématiquement arrêtées aux barrages et vérifiées une par une, "le chauffeur attendant à côté" a-t-il précisé.
Le niveau d'alerte est extrême en ce moment à Kaboul, particulièrement dans le centre et le quartier diplomatique dont la plupart des ambassades et institutions étrangères ont été placées en "lock down" (sorties interdites).