Fil d'Ariane
Depuis la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan, les troupes américaines déploient leurs efforts pour sécuriser l’aéroport de Kaboul, afin d’évacuer les étrangers et des Afghans. Mais le 31 août, ils devront avoir quitté le pays, sous peines de représailles de la part des talibans. Comment la sécurité de l’aéroport va être assurée ensuite ?
Depuis près de 20 ans, des militaires américans étaient présents à l’aéroport de Kaboul. Or, le président américain Joe Biden s’est engagé à retirer ses troupes d’ici le 31 août et l’arrivée au pouvoir des talibans a quelque peu modifié les enjeux sécuritaires autour de cet aéroport. Les talibans ont assuré à la communauté internationale qu'ils permettraient aux afghans qui le souhaitent et qui sont en règle qu'ils ne les empêcheront pas de quitter le pays après cette date. Les États-Unis et d'autres pays espèrent qu'ils tiendront leur engagement.
Vendredi 27 août, Recep Tayyip Erdogan a annoncé que des discussions avaient commencé entre la Turquie et les talibans et qu’Ankara étudiait leur proposition de sécuriser l’aéroport de Kaboul, une fois que les Américains auraient quitté le pays. “Nous avons tenu nos premières discussions avec les talibans, qui ont duré trois heures et demi”, a-t-il annoncé. Il n’a pas exclu d’avoir de nouveaux pourparlers “si nécessaire.”
Erdogan a expliqué que les talibans voulaient dorénavant contrôler la sécurité à l'aéroport tout en proposant à Ankara d'assurer sa logistique. Mais il souhaite d’abord connaître en détail la manière dont l’aéroport sera sécurisé avant de s’engager, d’autant plus après le double attentat-suicide du 26 août qui a fait près d’une centaine de morts à proximité de l’aéroport.
Or, deux jours plus tôt, la Turquie annonçait le retrait de ses troupes d’Afghanistan, alors que le pays avait entamé des négociations avec les talibans et les États-Unis sur l’avenir de la sécurité de l’aéroport de Kaboul.
Selon Bayram Balci, chercheur au CNRS, la Turquie convoitait un rôle dans la sécurité de l’aéroport de Kaboul pour redorer leur image auprès des Américains. “Mais depuis que les talibans sont arrivés au pouvoir, tout a changé”, poursuit-il. Il s’agit donc désormais d’un “geste envers les talibans, pour montrer qu’ils sont prêts à travailler ensemble, mais selon leurs propres conditions.”
Comme la présence américaine en Afghanistan appartiendra bientôt au passé, les Turcs n’auraient plus d’intérêts à assurer la sécurité de l’aéroport. Par ailleurs, Bayram Balci estime que les talibans ont assis leur pouvoir Afghanistan : “désormais, les menaces viennent de Daech.”
En revanche, “les talibans auront toujours besoin des occidentaux pour faire fonctionner le pays”, et notamment pour l’aéroport, car ils manquent de moyens techniques pour le faire fonctionner. En somme, “les talibans restent maîtres du jeu, mais coopèrent avec les étrangers, notamment les pays qui leurs sont les plus sympathiques”, explique Bayram Balci.
Depuis la prise de Kaboul par les talibans, il n’y a quasiment plus aucun vol commercial qui opère avec l’Afghanistan. Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) s’attend à une “configuration dans laquelle les Afghans qui se ruent encore vers l’aéroport pour fuir le pays vont se tourner vers les avions civils.”
Par ailleurs, la fin de la présence américaine en Afghanistan ne signifie pas la fin de toute présence militaire. “Beaucoup de pays européens essayent de négocier un délai afin de pouvoirs retirer toutes leurs troupes”, affirme Emmanuel Dupuy. Par exemple, si la France doit procéder à ses dernières évacuations incessamment sous peu, il se peut que que “des policiers du RAID, dépêchés sur place pour mener à bien ces évacuations”, soient encore sur place et “il est possible qu’ils partent après le 31 août.”
À un moment où un autre, il faudra faire appel à des experts.
Emmanuel Dupuy, président de l'IPSE
Enfin, pour ce qui est de la gestion de l’aéroport, tout comme Bayram Balci, Emmanuel Dupuy estime que les talibans ont tout intérêt à s’appuyer sur une coopération étrangère pour la logistique car ils n’ont “pas la capacité tout court à assurer quoi que ce soit en matière de logistique”. Même si l’aéroport appartient à l’État afghan et que “ce sera aux talibans de le faire fonctionner”, comme l’affirme le président de l’IPSE, “à un moment où un autre, il faudra faire appel à des experts” pour effectuer des tâches qu’ils ne maîtrisent pas.