Afghanistan : qui sont les "alliés" des talibans ?

Alors que les talibans se sont emparés du pouvoir en Afghanistan, il est toujours difficile de déterminer quelle place ils occupent sur la scène internationale. Certains pays semblent vouloir coopérer avec eux, mais quelles sont leurs motivations ? Éléments de réponse.

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Un combattant taliban montant la garde sur un d'un point de contrôle à proximité de l'aéroport de Kaboul, le 28 août 2021. 
Wali Sabawoon / AP
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Depuis que les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan, la communauté internationale concentre ses efforts sur le retrait des troupes et les évacuations de civils. Cependant, “un certain nombre de pays ont compris que les talibans étaient incontournables”, estime Didier Chaudet, chercheur associé à l'Institut français d'études sur l'Asie Centrale et consultant indépendant expert sur l’Afghanistan et son environnement régional.

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Mais selon lui, “parler d’alliés, ça serait problématique.” En effet, cela suppose que les deux camps se soutiennent quoi qu’il arrive et que la relation aille dans les deux sens, alors que ce n’est pas vraiment comme ça avec les talibans. Il s’agit donc plus d’une “relation réaliste, classique, mais pas une relation d’alliés à vie à la mort”, explique le consultant. 

Des liens informels déjà existants

Des pays occidentaux ont eu des échanges avec les talibans, désormais au pouvoir à Kaboul. En revanche, certains pays avaient déjà commencé à tisser des liens avec les talibans avant leur arrivée au pouvoir, comme le Pakistan, avec qui ils partagent une frontière, malgré les conflits autour de celle-ci, mais aussi l’Iran. “L’Iran et le Pakistan ne sont pas des alliés poussés”, reconnaît  toutefois Didier Chaudet. C'est à dire qu'ils ont des intérêts convergents sur certains points, mais vont défendre leurs propres intérêts en priorité. 

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Les Russes ont accepté les talibans comme une force légitime depuis quelques années”, poursuit-il, notamment car ils se montrent critique du gouvernement d’Ashraf Ghani. La Chine a également montré des signes d’ouverture vers les talibans, car ils peuvent être des alliés pour protéger la frontière sino-afghane de Daech. Didier Chaudet explique cela comme “quelque chose qui s’est imposé pour la défense d’intérêts nationaux” et insiste sur le fait que “demain, l’allié pourrait devenir un ennemi.

Le Qatar, “le pays qui réussit à parler à tout le monde”

Depuis que les talibans se sont emparés du pouvoir en Afghanistan, le Qatar est vu comme un médiateur entre ces derniers et les pays occidentaux : c’est à Doha qu’ont lieu les rencontres entre les délégations talibanes et occidentales. “Il fallait un pays qui soit vu de façon sympathique par tous les camps, si possible musulman”, selon Didier Chaudet. “Par processus d’élimination, le Quatar était le candidat idéal pour remplir ce rôle”, poursuit-il.

Quand on représente l’État qatari, on est reçu à la Maison Blanche comme à l’Élysée. On peut se faire entendre.

Didier Chaudet, consultant spécialiste de l'Afghanistan

En février 2020, après 18 ans de guerre en Afghanistan, talibans et Etats-Unis signaient les accords de Doha, actant le retrait des troupes américaines. La Turquie “voulait que le processus de paix se délocalise à Ankara”, détaille le consultant. Mais selon lui, les talibans n’ont pas accepté car ils craignaient de devoir subir de la pression de la part des Turcs.

Mais plus largement, il est question pour les talibans d’avoir une légitimité internationale. Pour cela, il est nécessaire d’engager le dialogue avec différents pays et le Qatar peut s’avérer un atout précieux pour les talibans dans cette mesure. “L’Afghanistan voit le Qatar comme un intermédiaire pour traiter des sujets sensibles", constate Didier Chaudet, avant de poursuivre : “quand on représente l’État quatari, on est reçu à la Maison Blanche comme à l’Élysée. On peut se faire entendre.” Et les talibans comptent bien utiliser cet intermédiaire pour se faire entendre.

Des financements extérieurs pour faire tourner le pays

Au delà de relations diplomatiques, les talibans ont besoin d’aide extérieure pour faire face à leur plus grande faiblesse : le manque de liquidités. “Dans les jours à venir, l’Afghanistan pourrait sombrer dans une catastrophe économique et humanitaire sans précédent”, avertit Didier Chaudet. En effet, comme les actifs de la Banque centrale afghane sont bloqués par les États-Unis, les talibans se tournent donc vers d’autres pays.

Ils ont par exemple demandé à la Turquie de s’occuper du fonctionnement logistique de l’aéroport de Kaboul, puis au Qatar. Les talibans comptent aussi sur des investissements de la part d’autres pays, comme la Chine. Le pays a d’ailleurs déjà des projets importants, comme par exemple le développement de “routes et projets économiques pour associer l’Afghanistan au Pakistan”, précise le consultant.

Cependant, “avant que les Chinois commencent à voir l’Afghanistan comme projet un intéressant, il faut qu’une stabilité se concrétise dans les mois à venir”, poursuit-il. Cela signifie donc qu’il faut que les talibans arrivent à tenir leurs forces dans la région et qu’ils puissent composer un gouvernement qui tient.