Le diabète n’est plus une maladie de riche. Désormais, d’autres continents, comme l’Afrique ou l’Asie, sont durement touchés par cette maladie aux symptômes parfois très insidieux. Reportage au Gabon, troisième pays d’Afrique sub-saharienne présentant le plus fort taux de diabétiques. Un symposium rassemblant des médecins de toute l’Afrique se tenait dans le pays pour confronter les avancées, les traitements et les complications liés au diabète sur le continent africain.
« Vous êtes diabétique depuis quand ? Vous avez mangé à quelle heure ? » Face au docteur Eric Bayé, directeur général du Centre Hospitalier Universitaire de Libreville, un patient, fatigué et très amaigri, tente de répondre à ces questions. Il vient d’arriver dans le service d’endocrinologie après un malaise. Diabétique depuis 2011, il suit un traitement par insuline (voir encadré). Sauf qu’aujourd’hui, il a fait sa piqûre sans manger. « Il est en hypoglycémie (baisse anormale de glycémie, ndlr) », diagnostique le médecin.
Ce patient fait parti des plus de 10% de la population gabonaise atteints de diabète. Le pays est le troisième de l’Afrique sub-saharienne a enregistré le plus fort taux (voir les chiffres en encadré).
Cette maladie, « un trouble de l’assimilation, de l’utilisation et du stockage des sucres » devient de plus en plus fréquent dans les pays africains. Même si cette maladie existe depuis une vingtaine d’années sur le continent, les changements de mode de vie ont catalysé le nombre de cas recensés.
Le diabète, nouveau fléau ?
Les chiffres publiés par la Fédération internationale du Diabète (FID) révèlent une augmentation du nombre de diabétiques dans le monde et notamment en Afrique, continent qui devrait voir la plus forte accélération du nombre de malades d’ici 2030. En cause ? Une urbanisation exponentielle. Au Gabon, 86,5% de la population vivait en ville en 2012.
Une sédentarité accentuée par l’organisation de certaines villes africaines. La circulation dense et l’absence de trottoirs assurant la sécurité des piétons et rendent la marche difficile. Les gens prennent trop souvent le taxi ou le bus, réduisant ainsi leur exercice physique.
A Libreville, outre le marché où se vendent bananes, poissons et viandes, de grands supermarchés ont poussé. On y trouve tous les produits des pays occidentaux. Riche en sucre, sel ou graisse, cette alimentation favorise le surpoids ou l’obésité qui font le lit du diabète de type 2 (voir encadré).
Qu'est-ce que diabète ?
"Le diabète est un trouble de l’assimilation, de l’utilisation et du stockage des sucres apportés par l’alimentation. Cela se traduit par un taux de glucose dans le sang (encore appelé glycémie) élevé : on parle d’hyperglycémie." Définition de l'Association française du diabète.
Deux types de diabète existent : - le diabète de type 1 : détecté chez les enfants, adolescents ou adultes jeunes. Ce diabète est causé par la disparition des cellules bêta du pancréas. - le diabète de type 2 : apparaît chez des personnes de plus de 40 ans. Mais des cas chez les adolescents et les jeunes adultes ont aussi été découverts. Le surpoids, l'obésité, le manque d'activité physique en sont les principales causes.
Si le nombre de cas augmente au fil des années, c’est aussi parce que les dépistages sont plus fréquents grâce à la médecine du travail ou un bilan de santé systématique, même si les diabétologues restent encore trop rares.
En chiffres
Taux de prévalence du diabète en 2013 au Gabon : 10,7 %, c'est le troisième pays derrière la Réunion et les Seychelles avec le plus fort taux de prévalence en Afrique sub-saharienne (selon la Fédération internationale du diabète).
Les pays avec le plus grand nombre de diabétiques en Afrique sont le Nigeria (3,9 millions) l'Afrique du Sud (2,6 millions et l'Ethiopie (1,9 million).
Près de 20 millions de diabétiques (entre 20 et 79 ans) vivent en Afrique sub-saharienne, c'est moins qu'ailleurs dans le monde mais le taux de mortalité est aussi plus fort (76%).
382 millions de diabétiques sont diagnostiqué dans le monde.
En dix ans, le docteur Bayé du CHU estime que le nombre de patients diabétiques qu’il suit a quadruplé. Son service d’endocrinologie accueille des patients habitant la capitale et d’autres villes alentours qui ne bénéficient pas du matériel ni des médecins nécessaires pour assurer le suivi des patients. C’est le cas du André N’Thoreret Olusegun du centre médical de Kango à deux heures de route de Libreville. Il dépiste peu de patients diabétiques, des cas souvent liés à l’alcoolisme. (voir son interview ci-dessous).
A Kango, rencontre avec le docteur N'Thoreret Olusegun
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Prise en charge
L’ajustement du traitement se fait plus souvent à Libreville, au CHU ou dans un autre établissement hospitalier. Contrairement à d’autres pays, le Gabon dispose d’une assurance santé permettant aux patients de se soigner plus facilement : la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et de Garantie Sociale du Gabon (CNAMGS). Cette couverture santé ouverte à toutes les catégories de la population assure plus de 40% de la population en 2012 selon une étude publiée par l’Organisation mondiale de la santé.
Cette prise en charge facilite le traitement des patients, mais la situation est loin d’être idéale au Gabon, comme ailleurs en Afrique. Outre les médicaments, les appareils de contrôle de la glycémie sont coûteux. Les patients misent alors sur une faible variation de leur taux pour poursuivre leur traitement souvent contrôlé par des médecins de la capitale.
Concurrence de la médecine traditionnelle …
Le suivi des patients est rendu difficile par la concurrence des tradithérapeutes. Le docteur Bayé suspecte son nouveau patient d’avoir consulté un médecin traditionnel. « Il y a les croyances traditionnelles, tous types de mixtures que les patients ingurgitent au motif que cela fait baisser la glycémie et permet de guérir du diabète. Mais il y a aussi d’autres types de pratiques religieuses qui concourent à faire perdre du temps pour diagnostiquer et prendre en charge le patient. Cela favorise le développement des complications », explique le docteur Bayé du CHU de Libreville.
Certains tradithérapeutes promettent parfois une guérison immédiate et définitive, impossible dans le diabète. Ces promesses ne sont pas sans risque pour les patients. Un mauvais suivi de traitement ou son interruption peuvent entraîner une détérioration de la santé générale des patients pouvant aller jusqu’à l’amputation (voir notre reportage en haut de l’article).
Face à cette médecine traditionnelle, certains médecins doivent faire preuve d’efficacité dans le traitement de la maladie pour prouver au patient qu’il a eu raison de venir à l’hôpital, comme le constate le docteur Eugène Sobngwi de l’hôpital central de Yaoundé au Cameroun. Il participait avec d’autres médecins africains et français au 4e Symposium sur le diabète en Afrique organisé les 6 et 7 juin derniers par la Fondation Albertine Amissa Bongo Ondimba à Libreville.
Rencontre avec le professeur Sobngwi (Cameroun)
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Comment prévenir la maladie ?
L’un des thèmes abordés lors de cette rencontre était la prévention. La clé d’une meilleure prise en charge des futurs diabétiques ou de ceux qui s’ignorent. Ils sont encore plus de 60% en Afrique à ne pas être dépistés. Au Gabon, un système de SMS est utilisé pour la prévention sur le diabète, mais aussi « des spots et une série télévisés qui passaient en prime time sur la télévision nationale pour informer les populations des symptômes du diabète, et des facteurs de risque qui concourent à développer le diabète », raconte le docteur Bayé.
Comme au Sénégal, où un nouveau système de prévention et de suivi des futurs patients diabétiques va être mis en place par SMS. Le docteur Saïd Norou Diop expose (dans la vidéo ci-dessous) ce nouveau système d’information qui devrait être lancé le 16 juin, avant le ramadan.
Rencontre avec le professeur Diop (Sénégal)
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Au Mali, le docteur Assa Traoré Sidibe explique que la prévention passe davantage par les médias types radio ou télévision, et le suivi par les appels aux patients, car la population visée n’est pas toujours alphabétisée (voir la vidéo ci-dessous).
Rencontre avec le professeur Traoré Sidibe (Mali)
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Parfois encore trop méconnu, le diabète fait peur car les complications peuvent être très graves. Le docteur Bayé appelle au dépistage : « Il faut se faire dépister à l’âge adulte systématiquement lorsque l’on a un parent diabétique ou lorsqu’on est en surpoids, car on a un fort risque de devenir diabétique, même si on n’a pas les symptômes annonciateurs de la maladie ».