"Agent orange" : la franco-vietnamienne Tran To Nga déboutée par la justice française

C'était "le combat de sa vie". Ce lundi 10 mai 2021, la justice française a jugé irrecevables les demandes de Tran To Nga, Franco-Vietnamienne, contre 14 multinationales accusées d'avoir produit "l'agent orange", produit ultra-toxique déversé sur les forêts pendant la Guerre du Vietnam. Pour la justice française, cependant, ces firmes ont agi "pour le compte de l'Etat américain". Ses avocats ont indiqué qu'elle ferait appel.

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Tran To Nga procès contre agent orange en france
Tran To Nga et ses soutiens le 30 janvier 2021 à Paris (France)
© AP Photo/Thibault Camus, File
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Née en 1942 dans l'Indochine française, Tran To Nga s'était engagée dans le mouvement indépendantiste du nord du Vietnam et avait aussi couvert la guerre (1955-1975) comme journaliste.  Elle affirme avoir été alors exposée au produit chimique ultra-toxique surnommé "l'agent orange", épandu par dizaines de millions de litres par l'armée américaine entre 1962 et 1971. Ce défoliant déversé sur les forêts et les cultures vietnamiennes et laotiennes visait alors à empêcher la progression de la guérilla communiste.
 

Le tribunal d'Evry a donné raison aux défenseurs des multinationales assignées en justice, en considérant qu'elles avaient "agi sur ordre et pour le compte de l'Etat américain" et qu'elles pouvaient se prévaloir de "l'immunité de juridiction". Ce principe du droit international établit qu'aucun Etat souverain ne peut assujettir un autre Etat souverain à sa juridiction. Une personne de droit privée - ici, en l’occurrence les multinationales assignées - peut en bénéficier "lorsqu'elle intervient dans l'accomplissement d'un acte sur ordre ou pour le compte de cet Etat, constitutif d'un acte de souveraineté".

"Pas responsables des dommages"

L'avocat de la compagnie américaine Monsanto (absorbée en 2018 par la société allemande Bayer), Me Jean-Daniel Bretzner, avait plaidé qu'un tribunal français n'était pas compétent pour juger l'action d'un Etat étranger souverain dans le cadre d'une "politique de défense" en temps de guerre. "Mme Tran contourne la difficulté" en s'attaquant à des entreprises de droit privé plutôt qu'à l'Etat américain, avait lancé Me Bretzner, lors de sa plaidoirie en janvier.
Bayer-Monsanto, sollicité par l'AFP, s'est dit "d'accord avec la décision" en réaffirmant lundi que ces entreprises "ne sont pas responsables des dommages allégués associés à l'utilisation par le gouvernement d'un tel produit en temps de guerre".

Ces entreprises "ont répondu à un appel d’offre" et n'ont donc pas agi sous la contrainte du gouvernement américain, ont rétorqué lundi les avocats de Tran To Nga dans un communiqué, réagissant à la décision.
En outre, "les préconisations posées par l’administration américaine n’imposaient pas de fabriquer un produit comportant un taux de dioxine aussi élevé que celui de l’agent orange", ont encore dénoncé les avocats du cabinet Bourdon.

Me William Bourdon avait déjà estimé au procès que "le commandement de l'autorité légitime (…) n'est pas exonératoire", en citant le principe de refus d'obéissance à un gouvernement si l'ordre donné est criminel "et illégal".

Tran To Nga était venue fin janvier 2021 sur le plateau de TV5MONDE évoquer son histoire et son combat.

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Depuis 2014, Tran To Nga mène une bataille judiciaire contre certaines des firmes ayant produit ce composé, en disant souffrir de pathologies "caractéristiques" d'une exposition à cet herbicide. Atteinte d'un diabète de type 2 avec une allergie à l'insuline "rarissime", elle a aussi contracté deux tuberculoses, a eu un cancer et une de ses filles est décédée d'une malformation cardiaque. Cette grand-mère franco-vietnamienne entend ainsi participer à la reconnaissance internationale du crime "d'écocide": "Ce n'est pas pour moi que je me bats" mais "pour mes enfants" et "ces millions de victimes" ayant souffert des effets durables de "l'agent orange", avait-elle déclaré au procès.