Il est difficile de généraliser lorsque l'on parle d'autosuffisance alimentaire, pour une région aussi vaste que l'Afrique de l'Ouest, mais le président de l'association béninoise estime que ce problème n'est pas aussi marqué qu'on veut bien le dire : "Il y a toujours des différences entre les régions, mais il y a des pays qui sont auto-suffisants, comme le Bénin, le Burkina Faso : ces pays produisent assez pour nourrir leur population." Le problème de la politique agricole est central, mais commence à se modifier : "Il faut souligner que depuis très peu de temps, certains gouvernements commencent à soutenir des productions vivrières, ce qui change la donne pour l'auto-suffisance alimentaire, cela n'avait jamais été le cas jusqu'ici. Mais ce n'est pas suffisant, ça n'a aucun rapports avec les soutiens donnés aux culture d'exportation." Le modèle occidental d'agriculture intensive ne s'est pas fortement développé au niveau des cultures vivrières mais s'est par contre généralisé pour les grandes exploitations de cultures de rente, avec des doses de Roundup (
herbicide vendu par Monsanto, firme spécialisée dans la vente de semences OGM ) tellement importantes, par exemple, qu'elles peuvent "tuer les terres" comme l'explique René Segbenou : "Les subventions permettent d'acheter ces produits chimiques comme le Roundup, et malheureusement les grandes zones dans lesquelles on produit du coton ont des sols tellement dégradés qu'on ne peut même plus y produire des cultures vivrières !" Mais l'agriculture agro-biologique n'est pas inexistante en Afrique de l'Ouest : "Nous avons des poches de production bio dans presque tous les pays africains. Elles sont soutenues par des associations, des ONG, mais d'une manière générale, l'agriculture vivrière n'utilise pas d'intrants chimiques chez nous, parce que c'est une pratique ancestrale de cultiver naturellement. Malheureusement, ces pratiques naturelles sont en cours de destruction par l'importation de méthodes occidentales basées sur la chimie", souligne le président de Jinukun. Selon René Segbenou, "Ces pratiques agricoles industrielles sont avant tout poussées par des ingénieurs agronomes et des politiques africains qui pensent qu'elles seules vont permettre de produire correctement et nourrir tout le monde." Mais le potentiel agricole de l'Afrique est énorme, et si le modèle des petites exploitations familiales produisant en agro-écologie se généralise, il est possible que le continent le plus "affamé" devienne à termes le grenier et le garde-manger du monde. Comme le dit René Segbenou : "nous vivons dans un continent qui regorge de ressources biologiques, et l'idéal serait que nous puissions nous pencher sur ces ressources et les promouvoir autour de nous, mieux les utiliser, de façon respectueuse. Les solutions sont chez nous, pas ailleurs."