En France, les semences agricoles sont inscrites dans un registre national qui autorise leur culture, et ce depuis les années 30. Depuis 1997, toutes les variétés potagères ont elles aussi leur propre registre, avec l'obligation d'y être inscrites pour que les agriculteurs aient le droit de les utiliser. L'enregistrement des semences est payant. Ces semences appartiennent aux semenciers qui les y inscrivent : ceux qui les utilisent ensuite, les paysans, sont donc soumis à un droit de propriété intellectuelle gravé dans le marbre par l'adoption du
certificat d'obtention végétale (COV) voté en France en décembre 2011. Les agriculteurs ont donc l'obligation de racheter les semences chaque année, pour les hybrides non reproductibles, ou bien payer des royalties, dans le cas des semences reproductibles. Les semences dites "de ferme" (reproduites chaque année par les paysans eux-mêmes) sont soit assujetties aux COV et soumises à compensation financière auprès des semenciers, ou bien sont illégales. Aujourd'hui, la preuve de l'utilisation légale d'une semence par un agriculteur doit être apportée par le semencier lui-même, ce qui protège relativement bien les agriculteurs des poursuites. Avec la proposition de loi sur la contrefaçon votée au Sénat, ce serait désormais l'inverse : les paysans devraient prouver qu'ils sont en règle à chaque fois que l'
Etat ou qu'un semencier leur demanderaient des comptes, ou pire, lorsqu'ils voudraient vendre leur production. Le sénateur socialiste à l'origine de cette disposition, Richard Yung, justifie cette disposition dans le cadre des semences pour "protéger nos entreprises" et insiste en indiquant que "le risque, c’est que vous développiez une nouvelle plante, et qu’elle soit reproduite sans que l’on vous paye, c’est comme dans tous les autres domaines : les gens copient".
La coalition d'organisations "Semons la biodiversité" résume l'énormité de la situation et ses répercussions dans
une lettre ouverte aux sénateurs français , le 12 novembre dernier : "(…)Ressemer des semences, donc les reproduire, sera une contrefaçon. Le paysan pourra alors voir sa récolte simplement saisie par les services de l’État. Pour éviter tout problème, il devrait donc, chaque année racheter ses semences ou payer des royalties. Le fonctionnement sera le même en élevage pour les mâles reproducteurs. Et il n’y a pas d’échappatoire ! Tout paysan qui ne pourra présenter les factures de ses semences, de ses animaux ou de ses préparations naturelles sera considéré, a priori, comme étant dans l’illégalité. L’industrie se retrouve donc seule à avoir le droit de poursuivre le travail engagé par les paysans depuis des millénaires !(…)"