Fil d'Ariane
Situation explosive ce lundi matin au siège de la compagnie française Air France. Plusieurs centaines de salariés ont envahi les bureaux, interrompant la réunion du Comité central d'entreprise (CCE) au cours de laquelle la direction a confirmé que 2.900 postes étaient menacés par le nouveau plan de restructuration, ont indiqué à l'AFP deux sources syndicales.
Le directeur des Ressources Humaines d'Air France, Xavier Broseta, s'est enfui de la salle de réunion, torse nu après s'être fait arracher sa chemise. Les incidents ont fait 7 blessés dont un grave. La direction d'Air France a officiellement condamné ces violences et a annoncé avoir déposé une plainte pour "violences physiques aggravées". Le directeur des ressources humaines"a manqué de se faire lyncher" et a dû quitter la salle en "escaladant des barrières pour se sauver", selon un délégué CGT.
Selon une journaliste de l'AFP, les manifestants, au nombre de "plusieurs centaines", sont entrés aux cris de "De Juniac démission" et "On est chez nous". Deux représentants au CCE ont indiqué que le PDG d'Air France Frédéric Gagey était sorti précipitamment, et l'un deux précise que le CCE doit reprendre dans la journée.
Trois syndicats (CGT, FO et Unsa) au niveau national, et la CFDT, dans le Sud, ont appelé à la mobilisation, mais le taux de grévistes demeure inconnu, certains agents optant pour quelques heures de grève, d'autres pour la journée, a expliqué samedi la compagnie.
Air France a estimé que "l'ensemble de ses vols serait assuré", sans exclure "quelques retards", notamment à l'enregistrement.
Vendredi, la direction avait déjà esquissé en conseil d'administration les grandes lignes de ce projet, amené à remplacer l'initial "Perform 2020", après "l'échec des négociations" avec les pilotes sur de nouvelles mesures de productivité.
"Perform 2020" prévoyait notamment de demander au personnel navigant de voler une centaine d'heures de plus par an, à rémunération constante, un plan unanimement rejeté par les syndicats.
Les dirigeants d'Air France n'ont "jamais eu deux plans" et ont organisé "une parodie de négociation", s'est défendu le président du Syndicat National des Pilotes de Ligne (SNPL) d'Air France, Philippe Evain, dont le syndicat a été désigné comme coresponsable de la situation par la CFE-CGC et la CFDT.
Un projet qui ne se fera pas sans douleur: une réduction de 10% de l'offre long courrier, de nombreuses suppressions de postes et le report des commandes de Boeing 787 sont envisagés.
La direction évalue à 2.900 postes (300 pilotes, 700 hôtesses et stewards et 1.900 emplois au sol) le sureffectif en 2016 et 2017, selon des participants au conseil d'administration.
Pour la première fois de son histoire, des départs contraints sont envisagés, notamment chez les navigants et certaines bases au sol.
Les licenciements secs se feront "en dernier recours", a promis le patron d'AF-KLM Alexandre de Juniac, qui souhaite "privilégier les départs volontaires", comme pour les 5.500 suppressions de postes intervenues de 2012 à fin 2014.
Mais pour le PDG d'Air France, Frédéric Gagey, les licenciements restent "une possibilité sur des champs bien précis (...) où nous ne ferions pas les progrès que nous attendons en matière de productivité".
Dans son plan, Air France retirerait 14 avions d'ici à fin 2017 et fermerait 5 lignes long-courrier, réseau déficitaire à 50% où elle prévoit également de réduire les fréquences de certaines lignes, selon les participants au conseil d'administration.
L'ampleur finale de la restructuration dépendra aussi d'une éventuelle reprise des négociations avec les pilotes .
Le SNPL a affirmé que sa "porte n'est pas fermée". Comme la direction, si les syndicats de pilotes reviennent avec "une vraie volonté de discuter", a averti M. De Juniac.
Le Premier ministre Manuel Valls en a appelé samedi à la "responsabilité" des pilotes. "Si Air France n'évolue pas, elle se met en danger. On sait qu'une compagnie peut disparaître", a prévenu le chef du gouvernement. Dimanche, son ministre des finances Michel Sapin, invité du "Grand rendez-vous" d'Europe1/Le Monde/iTELE, a renchéri, fustigeant un dialogue "bloqué par une minorité sur des visions purement individuelles et corporatistes".