Fil d'Ariane
Des réactions en cascade, suite au nouvel accord signé entre le Canada, les États-Unis et le Mexique désormais dénommé AEUMC (Accord États-Unis, Mexique, Canada). Déception au Québec, colère des producteurs laitiers du Canada, sobriété du côté du gouvernement canadien et triomphalisme de Donald Trump.
Le coq a chanté très fort et pendant plus d’une heure dans les jardins de la Maison Blanche ce lundi 1er octobre : Donald Trump a littéralement encensé cette nouvelle entente : « C'est une nouvelle historique pour notre nation et même pour le monde entier, le plus important accord jamais signé par les États-Unis. un accord merveilleux »...
Les qualificatifs ne manquaient pas dans la bouche du président américain pour vanter les mérites de l’accord arraché aux termes d’âpres négociations avec les Mexicains et les Canadiens, et il a pris soin de préciser que sa plus grande concession avait été de signer cet accord.
Late last night, our deadline, we reached a wonderful new Trade Deal with Canada, to be added into the deal already reached with Mexico. The new name will be The United States Mexico Canada Agreement, or USMCA. It is a great deal for all three countries, solves the many......
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 1 octobre 2018
Donald Trump était entouré de son équipe qui a mené les négociations : il a vanté leur travail, et a remercié le président mexicain sortant Pina Nieto, et son successeur, pour leur rôle dans ces négociations. Il a, par la suite, salué Justin Trudeau, mais du bout des lèvres, en reconnaissant que oui, il y avait eu beaucoup de tension entre eux.
Clairement, les relations entre les deux dirigeants sont loin d’être au beau fixe depuis le sommet du G7, Donald Trump avait retiré sa signature du communiqué final moins de trente minutes après sa publication.
Pas de mise en scène du genre à Ottawa : Justin Trudeau s’est présenté aux côtés de sa ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, celle qui a mené ces négociations d’une main de fer pendant treize mois, pour commenter cet accord. Aucun triomphalisme donc du côté canadien, plutôt un certain pragmatisme, celui-là même qui a d’ailleurs guidé les négociateurs canadiens.
Le Premier ministre Trudeau estime qu’il s’agit d’un bon accord dans les circonstances et il dit comprendre les inquiétudes des producteurs laitiers canadiens, puisque l’accord prévoit l’ouverture à la hauteur de 3,59% du marché laitier canadien aux producteurs américains.
Le Premier ministre canadien a aussi fait valoir que le Canada avait réussi à maintenir l’exception culturelle dans ce nouvel accord, ce qui permet, en quelque sorte, d’en exclure le marché culturel canadien, ainsi que le mécanisme de règlement des conflits entre les trois partenaires, qui restera donc confié à un tribunal indépendant.
Le Canada tenait mordicus au maintien de ce mécanisme, sage décision puisque ce nouvel accord ne pourra pas empêcher Donald Trump d’imposer de nouveaux tarifs douaniers sur d’autres produits canadiens si Donald Trump le décide. Auquel cas, le Canada pourra contester devant ce tribunal, à noter d’ailleurs que les Canadiens ont toujours eu gain de cause contre les Américains quand ils se sont adressés à ce tribunal par les années passées.
De leur côté, les producteurs laitiers canadiens, et surtout ceux du Québec, qui assurent la moitié de la production laitière du pays, ne décolèrent pas : ils estiment avoir été sacrifiés dans ces négociations pour protéger d’autres secteurs névralgiques de l’économie canadienne, comme l’industrie automobile, qui étaient également menacés de représailles par Donald Trump.
« Je pense que le ministère de l’Agriculture est rendu à Washington, a déclaré Bruno Letendre, président des Producteurs de lait du Québec, sur les ondes de RDI. Le Canada a cédé sa souveraineté comme ce n’est pas imaginable ». Pour Bruno Letendre, c’est le gouvernement américain maintenant qui va décider de la politique agricole canadienne.
Un avis partagé par les politiciens québécois. « J’ai clairement indiqué au premier ministre Trudeau qu’il s’agissait d’un accord néfaste pour le Québec », a déclaré celui qui était encore ce lundi le Premier ministre du Québec Philippe Couillard.
Sur son compte Twitter, le chef libéral écrit : « J’ai participé à l’appel avec M. Trudeau et je lui ai exprimé notre profonde déception. Une grande déception pour les producteurs de lait. Une grande déception pour nos familles dans les régions du Québec. Une grande déception pour les Québécoises et les Québécois. Le gouvernement fédéral a ouvert une porte toute grande aux États-Unis en permettant une intrusion sans précédent dans la politique commerciale intérieure de notre pays ».
J’ai participé à l’appel avec M. Trudeau et je lui ai exprimé notre profonde déception. Une grande déception pour les producteurs de lait. Une grande déception pour nos familles dans les régions du Québec. Une grande déception pour les Québécoises et les Québécois.#PolQc #AEUMC
— Philippe Couillard (@phcouillard) October 1, 2018
Le chef libéral promet, s’il reste au pouvoir, de ne pas abandonner les producteurs laitiers du Québec.
En cette journée électorale au Québec, les trois autres chefs des principaux partis politiques ont joint leur voix à ce concert de protestations, en estimant que le gouvernement fédéral avait sacrifié le Québec dans ces négociations. De quoi amener également de l’eau au moulin des souverainistes québécois, Jean-François Lisée, du Parti québécois, et Manon Massé de Québec solidaire : ils estiment tous deux qu’un Québec indépendant n’aurait pas à subir ce genre de préjudices.
Ce nouvel accord doit maintenant être ratifié par les parlements mexicain et canadien ainsi que par le Congrès américain. Autrement dit, il reste bien des étapes avant qu’il ne soit concrètement appliqué entre les trois pays.