Alep : un cataclysme humanitaire

Après un mois d'intenses bombardements à Alep, les régimes syrien et russe refusent tout arrêt durable des combats dans lesquels plus de 500 civils ont déjà perdu la vie. Face à une crise humanitaire qui s'enlise, les appels au cessez-le-feu se multiplient et les inquiétudes montent quant à la disparition de centaines d'hommes.
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Des membres du Croissant Rouge Arabe Syrien soignent un patient à Alep, le 7 décembre 2016.
©Syrian Arab Red Crescent/Noor Hazouri via AP
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Alep sortira-t-elle un jour de l’horreur ? Les troupes du régime syrien ont violemment bombardé à l’artillerie les derniers quartiers rebelles d’Alep-Est, ce vendredi 9 décembre. Soutien indéfectible de Bachar al-Assad, la Russie continuera elle aussi à frapper la deuxième ville syrienne. 

Après une brève pause humanitaire, annoncée la veille, les combats russes ont ainsi repris vendredi. Ils « continueront tant que les bandits seront à Alep » a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Plus tôt dans la semaine, le dictateur syrien s’était lui-même prononcé contre toute trêve. Car selon lui, la victoire à Alep serait une étape cruciale dans la fin du conflit. 

Mais l’enfer vécu par les civils ne s’arrête pas aux là. Alors que des dizaines de milliers - ils seraient environ 100 000 d'après les Nations unies - d'Alépins tentent de fuir les raids, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme redoute que des groupes armés de l’opposition, notamment le front Fateh al-Cham (Al-Qaïda en Syrie), les empêchent de quitter la ville parfois en leur tirant dessus. 

Rupert Colville, porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, l'avance : « Au cours des deux dernières semaines, le front Fatah al-Cham et les Kataëb Abou Amara ont apparemment enlevé et tué un nombre inconnu de civils qui avaient demandé aux groupes armés de quitter leur quartier afin d'épargner la vie de la population. »

Disparitions inquiétantes

Les Nations unies se disent également préoccupées la disparition de centaines d’habitants d’Alep-Est. « Bien qu’il soit difficile de vérifier les faits dans une situation changeante et dangereuse, nous avons entendu des allégations très inquiétantes selon lesquelles des centaines hommes auraient disparu après être passé dans les zones contrôlées par le gouvernement, » affirme Rupert Colville.

Pour Raphaël Pitti, spécialiste des médecines de guerre et responsable de l’Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM), qui s’est exprimé vendredi au micro de Franceinfo après son retour de mission en Syrie, « le droit humanitaire international est en train de mourir à Alep ». Et son témoignage vient corroborer les craintes de l’ONU.
 
Il dénonce la situation insoutenable vécue par la dizaine de médecins syriens encore présents à Alep, les derniers : « Ils ont très peur d'être considérés comme des terroristes. Le régime et son allié (la Russie, NDLR), depuis le début, a considéré des centres hospitaliers et des médecins comme des terroristes parce qu'ils soignaient des blessés de cette guerre. Aujourd'hui, ces médecins se disent qu'ils vont être arrêtés. Il poursuit son entretien en expliquant qu’ils ne veulent pas passer au travers des corridors humanitaires, qui sont en fait des filtres qui visent à dissocier les différentes personnes. On laisse passer les femmes, les enfants, les personnes âgées et on retient les hommes. »

Il s’agit bien pour Raphaël Pitti d’une « effroyable catastrophe humanitaire » qui se joue en ce moment à Alep. « Ils ont affamé la population, détruits tous les hôpitaux, plus de chauffage, ils ont refusé la sortie de 120 blessés. » Ses déclarations font froid dans le dos.

« Cela fait six ans que les personnels de santé sont visés, ciblés. 750 personnels soignants ont trouvé la mort. Il n’y a plus aucun hôpital qui fonctionne dans la zone d’Alep depuis le mois d’août » se désole Raphaël Pitti auprès de l’AFP.

Appels au cessez-le-feu

Face à la gravité de la situation humanitaire, le chef du groupe de travail de l’ONU sur l’aide en Syrie, Jan Egeland, a renouvelé son appel à un cessez-le-feu immédiat. A Alep, entre 100 et 500 enfants malades ou blessés attendent d’être évacués de la zone de combat. 

Les Casques blancs, secouristes syriens dans les fiefs rebelles d’Alep, poussent, eux aussi, un cri d’alarme. Leur appel aux organisations internationales est désespéré : « S’ils (les civils) ne sont pas évacués, nos volontaires risquent la torture ou l’exécution dans les centres de détention du régime ».

Depuis le début de l’offensive du 15 novembre, et à coups de frappes aériennes, de barils d’explosifs et de tirs d’obus incessants, l’armée de Bachar al-Assad, aidée par des combattants iraniens et du Hezbollah, a réussi à s’emparer de 85% des quartiers d’Alep tenus par la rébellion. Au moins 515 civils, dont 80 enfants, ont été tués à Alep en quatre semaines de pilonnage intensif.

La ville est le principal front du conflit déclenché en mars 2011, qui a fait plus de 300 000 morts causé la fuite de plus de la moitié de la population syrienne.

Une réunion internationale sur la Syrie doit se tenir samedi 10 décembre à Paris en présence des pays européens, arabes et des Etats-Unis qui refusent la logique de guerre totale.
 
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