Alep, une ville-phare du Moyen-Orient disparaît sous les bombes

La ville d'Alep en Syrie, capitale gastronomique du Moyen-Orient et carrefour des civilisations est en train de disparaître, anéantie par les bombes. Retour sur le passé de cette ville-phare en photos ainsi qu'avec le réalisateur syrien, Meyar Al Roumi.
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Alep, avant et après
A gauche, l'esplanade de la grande mosquée aujourd'hui, à droite, le même lieu avant la guerre débutée en 2011 (Photo : Olympia)
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La deuxième ville de Syrie par la taille est aussi plus que deux fois millénaire : Alep fut depuis l'antiquité une ville stratégique, plaque tournante du commerce, passage obligé vers la Chine, et capitale gastronomique du Moyen-Orient. Depuis le début de la guerre civile en 2011 avec les bombardements du gouvernement syrien, épaulé par la Russie, et désormais de la coalition arabo-occidentale dans sa périphérie, mais aussi des rebelles au régime de Bachar el-Assad, — la ville d'Alep,  — véritable laboratoire médical et haut lieu diplomatique au moyen-âge — est aujourd'hui méconnaissable. La cité marchande, mondialement connue pour son savon aux propriétés curatives n'est plus qu'un champ de ruines, ses souks les plus anciens et les mieux conservés du Moyen-Orient ont disparu sous les gravas…

Une série de photos de l'ancienne capitale économique syrienne — dont les jardins étaient classés au patrimoine mondial de l'UNESCO — montre la ville avant et après les bombardements. Alep, cette splendide cité moyen-orientale, n'est plus désormais qu'un champ de ruines, avec des populations civiles prises dans la nasse meurtrière.

Des "beaux quartiers" :

Alep-1
(Photo : Olympia)

Une rue d'Alep :
ALep-2
(Photo : Olympia)

Le Souk :

Alep-3
(Photo : Olympia)


Un centre commercial :

Alep-4
(Photo : Olympia)
Alep-5
(Photo : Olympia)

On compare souvent  Alep à Berlin-Est. C’est une ville dans un pays divisé, qui est elle-même coupée en deux
Meyar Al Roumi, cinéaste

Meyar Al Roumi, réalisateur syrien de cinéma, répond à nos questions au sujet de la ville d'Alep, et de la situation en Syrie.

Etes-vous retourné à Alep depuis les bombardements ?

Meyar Al Roumi : Je n’y suis pas retourné, mais j’ai encore de la famille qui vit à Alep, bien que l’un de mes oncles ait été tué par un sniper l’année dernière.
 

Meyar Al Roumi
Le réalisateur Meyar Al Roumi
La ville est dans cet état depuis déjà un moment, et on compare souvent  Alep à Berlin-Est. C’est une ville dans un pays divisé, et qui est elle-même coupée en deux, comme à Homs. Une partie est contrôlée par le régime, une autre, là où sont les rebelles, est assiégée.  Le problème c’est que les rebelles syriens, qui ne sont pas des islamistes radicaux, ne sont pas soutenus par les pays occidentaux de la coalition.


Alep pourrait quand même sortir des combats ?

M A.R : Il y a des négociations prévues à Alep, et le régime syrien a dit être prêt à y participer. Le combat à Alep était — pour les forces gouvernementales — une façon de dire « on va mettre toutes nos forces et en finir avec les mouvements radicaux et les rebelles ». Le but, pour le régime, soutenu par l’Iran et la Russie c’est d’arriver beaucoup plus fort aux négociations. Les rebelles, l’opposition, quant à eux, essayent de démontrer qu’ils peuvent avoir du poids, en se rassemblant et en combattant pour casser l’embargo en place. Mais c’est un peu leur dernière carte.

Comment était cette ville, avant 2011, quelle était l’ambiance ?

M A.R : Alep, c’est une ville très mixte, avec beaucoup de communautés, en majorité des Arméniens, mais aussi des Chrétiens. C’est un peu la capitale des Syriens du Nord. Toutes les ventes des récoltes du Nord se faisaient à Alep. C’est la plus ancienne ville vivante au monde. Alep était sur la route de la soie, avec une gastronomie très variée, influencée par l’ Inde. Mais Alep est aussi une ville très conservatrice, dans le sens où on y sentait une certaine authenticité du monde arabe qui a été conservée . C’est une ville très riche pour la musique pour le chant. Toutes les stars égyptiennes qui faisaient le tour du monde, ressentaient une grande pression quand ils arrivaient à Alep.

Que regrettez-vous le plus dans la destruction de cette ville ?

En tant que Syrien, je considère que cette région de la terre a toujours évolué à son rythme, avec des guerres atroces. Mais j’estime, d’un point de vue « soixante-huitard » que ce qu’il s’y passe aujourd’hui est absolument inacceptable, horrible, et je sais que c’est loupé pour moi, si je regarde l’histoire. Mon meilleur ami, que je suis allé voir en Syrie il y a peu, a perdu 23 personnes de sa famille. C’est une dimension qui rappelle le Rwanda, la Seconde guerre mondiale. Ce pays ne ressemble plus à celui que j’ai connu.  On est en face de gens très affectés en Syrie. Je n’arrive plus à raisonner, parce que ce qu’ils sont en train de faire, est absurde. Ce qu’on laisse faire aussi, en Occident. Pour des intérêts économiques. 

Vous n'avez plus espoir d'un retour à la normale ?

Ce qu’il se passe en Syrie est en train de modifier les cartes, on le voit avec le Brexit, mais aussi aux Etats-Unis, si Donald Trump gagne l'élection. La carte du monde est en train de changer avec la Syrie.  Je ne crois pas qu’on aurait dû ne pas se soulever contre Bachar, ou arrêter de lutter contre lui parce qu'il nous menaçait d'encore pire. Il fallait le faire. Mais on est face à un régime extrêmement malin, qui arrive même à se faire bien voir en France, comme ça a été le cas avec l'interview de Bachar el Assad par France Télévision, et le documentaire qui arrive.  Tout ça est très mal mené.

Propos recueillis par téléphone, le 04/08/2016

Le réalisateur de cinéma syrien Meyar Al Roumi était l'invité de l'émission Magrheb-Orient-Express en 2014 pour parler de son film "Round Trip", tourné juste avant le début de la guerre en Syrie : https://www.youtube.com/watch?v=avlQEqAj7Mc

La bataille d'Alep, dernière chance pour les forces rebelles (sujet TV5Monde - le 64' - 04/08/2016 :

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