Fil d'Ariane
Blake et Mortimer, Lucky Luke, les Schtroumpfs, Astérix: tous ces mythes de la bande dessinée franco-belge ont poursuivi leur carrière après la mort (ou la retraite, dans le cas d’Uderzo) de leurs créateurs. Tel un petit village gaulois, seul "Tintin" résistait à la tentation d’une reprise. On le sait, Hergé lui-même a manifesté le souhait qu’il n’y ait pas de nouvel album de Tintin après lui… Et sa veuve Fanny, remariée à l’homme d’affaires Nick Rodwell, a toujours eu le courage de respecter ce souhait.
Seulement voilà: près de quarante ans après "Tintin et les Picaros", le monde a changé. Le marché de la bande dessinée est envahi de nouveaux titres – près de 4000 albums paraissent chaque année – et les best-sellers sont les reprises des grands classiques. Un exemple? "Astérix chez les Pictes", premier album non dessiné par Uderzo, signé Conrad et Ferri, a été l’événement éditorial de 2013 et vendu à plus de 5 millions d’exemplaires. Face à ces chiffres pharaoniques, "Tintin" est évidemment à la traîne…
Une reprise qui s’imposait
Ces chiffres ont fait réfléchir les responsables de Casterman et de la société Moulinsart. Ils sont parvenus à la même conclusion: sans nouveau titre au catalogue, la série "Tintin" est condamnée à disparaître à moyen terme, étouffée par la concurrence… Ils ont donc pris la décision de réunir une équipe de talents pour relever cet énorme défi: imaginer une nouvelle aventure du célèbre reporter.
Plusieurs dessinateurs ont été approchés, mais très vite, un nom s’est imposé: Johan De Moor. Parce qu’il a grandi avec Hergé. Parce que son père, Bob De Moor, a été le fidèle bras droit du père de Tintin et qu’il a même failli dessiner l’album inachevé, "L’Alph-Art".
Enfin, parce que Johan est le seul qui fut autorisé à dessiner des personnages d’Hergé après sa mort, signant ainsi plusieurs nouveaux gags de Quick et Flupke. Dans le calme de son atelier bruxellois, Johan De Moor nous confie: "C’est un énorme défi et j’ai beaucoup réfléchi, parce que ce n’est pas une sinécure. Et puis je me suis dit: je suis un enfant de la Ligne Claire, je suis le fils de Bob, mon père était censé dessiner Tintin… Je dois donner une réponse au public qui attend un nouvel album de Tintin depuis près de quarante ans! Ça fait des mois que je dessine ces personnages pour les apprivoiser sous mon crayon, maintenant je me sens prêt!"
Tintin au Japon
Même s’il garde secret les noms des scénaristes avec qui il travaille – "un grand nom de la bande dessinée et un écrivain belge très proche de l’univers d’Hergé" précise-t-il -, Johan De Moor nous dévoile son premier projet de couverture de l’album, qui s’intitulera "Alerte à Fukushima": "C’est la première fois que Tintin se rend au Japon! Il affrontait Mitsuhirato et des méchants Japonais en Chine dans 'Le Lotus Bleu', mais il ne s’était jamais rendu dans l’empire du Soleil levant… Dans notre aventure, Tintin accompagne le professeur Tournesol qui a découvert une forme révolutionnaire d’énergie renouvelable, capable de remplacer l’énergie nucléaire. Deux photographes sont partis au Japon récolter de la documentation pour moi, et je compte me faire aider par deux assistants pour les décors."
Contrairement à "Blake et Mortimer", figés dans les années 50 par les repreneurs successifs de la série, "Tintin" continuera donc de vivre avec son temps, et de se lancer dans des aventures en prise avec l’actualité – comme Hergé l’a toujours fait.
Une sortie à la mesure de ce "come-back"
Le premier tirage d’ "Alerte à Fukushima" tournera autour des trois millions d’albums en langue française. Sa sortie, accompagnée d’événements divers, est programmée pour octobre 2015. Quand on sait que, le même mois, sortira le nouvel album d’Astérix, "Le papyrus de César", on imagine d’ores et déjà que l’automne sera chaud dans les librairies…
Article-canular paru sur le site de la RTBF