Algérie, Sénégal, RDC : la position des pays africains face à la guerre à Gaza

Algérie, Sénégal, RDC... Entre défenseurs historiques de la cause palestinienne et normalisation des relations avec Israël, depuis le massacre du 7 octobre 2023 commis par le Hamas, comment les États africains se positionnent-ils face au conflit au Proche-Orient ? Éléments de réponse avec l'Algérie, le Sénégal et la République démocratique du Congo. 

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À gauche, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko lors à un rassemblement à la grande mosquée de Dakar en soutien aux Palestiniens le 31 août. À droite, le président congolais, Félix Tshisekedi, qui est l’un des premiers chefs d’État africains à avoir apporté son soutien à Israël après l’attaque du 7 octobre.

À gauche, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko lors à un rassemblement à la grande mosquée de Dakar en soutien aux Palestiniens le 31 août. À droite, le président congolais, Félix Tshisekedi, qui est l’un des premiers chefs d’État africains à avoir apporté son soutien à Israël après l’attaque du 7 octobre. 

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L’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas a fait 1 200 morts en Israël. Depuis, dans la bande de Gaza, l’armée israélienne mène une contre-offensive meurtrière. À ce jour, 40 738 personnes ont été tuées, selon le ministère de la Santé de Gaza. Les présidences africaines sont amenées à se positionner sur le conflit.

  • Algérie : défense historique de l'État palestinien

Historiquement, l’Algérie est un allié indéfectible des Palestiniens. La proclamation de la création de l’État palestinien a d'ailleurs eu lieu à Alger, le 15 novembre 1988, en présence de Yasser Arafat, ancien chef de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et du Fatah, mouvement de libération de la Palestine. 

À la suite du 7 octobre, les premières réactions en Algérie étaient donc très attendues. Alger a rapidement condamné les actions menées par Israël et a organisé l’envoi d'un convoi humanitaire aux Palestiniens.

Benny Gantz et le MAE du Maroc Nasser Bourita
Le ministre de la Défense israélien Benny Gantz accueilli par le MAE marocain Nasser Bourita à Rabat, le 24 novembre. Le Maroc et Israël ont signé lors de cette visite un accord de coopération sécuritaire qui va faciliter l'acquisition par Rabat de technologies de l'industrie militaire israélienne.
© AP Photo/Mosa'ab Elshamy

Le 7 mai dernier, par la voie d’un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères, le pays a de nouveau condamné « dans les termes les plus fermes les opérations militaires menées par les forces d’occupation israélienne dans la ville de Rafah au sud de la bande de Gaza, en préparation à une offensive terrestre dans cette zone palestinienne ». 

Les autorités précisent dans le texte que “cette escalade extrêmement dangereuse “annonce “une catastrophe humanitaire de grande ampleur”. Alors que les bombardements s’intensifiaient à Rafah, le 29 mai 2024, l'Algérie a présenté un projet de résolution exigeant l’arrêt de l’offensive sur la bande de Gaza.

Après les premières actions militaires israéliennes à Gaza, il était d'abord interdit pour les Algériens de participer à des manifestations pour afficher leur soutien aux Palestiniens. Depuis juin 2021, les rassemblements de protestation ont en effet été interdits dans le pays. Pourtant, à partir du 13 octobre 2023, des rassemblements encadrés en solidarité avec la Palestine ont été tolérés. 

  • Sénégal : un soutien qui remonte à Léopold Sédar Senghor

Le 31 août, le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko a participé à un rassemblement à la grande mosquée de Dakar en soutien aux Palestiniens. Lors de sa prise de parole, le chef du gouvernement a attaqué son homologue israélien, Benjamin Netanyahou : "Nous avons un Premier ministre dont le pouvoir dépend de cette guerre, [dont] la survie politique dépend de cette guerre, et qui est prêt à marcher sur des milliers de cadavres pour rester Premier ministre et pour ne pas faire face à la justice de son pays". 

Le chef du gouvernement sénégalais a poursuivi, écharpe aux couleurs palestiniennes autour du cou : “Il faut rassembler tous ceux qui dénoncent cette injustice, travailler à une solution politique qui est une solution d'isolement de l'État d'Israël, [une solution] d'isolement politique". 

La position de soutien aux Palestiniens prônée par le Premier ministre sénégalais rejoint la position historique du pays. Le 2 novembre 1971, le président Léopold Sédar Senghor mandaté par l’Organisation de l’unité africaine, avec les chefs d’État du Zaïre, du Cameroun et du Nigeria, s'est rendu au Proche-Orient pour tenter une médiation. Les chefs d’État africains y ont alors rencontré Yasser Arafat, le leader palestinien et Golda Meir, alors Première ministre israélienne. L’accord en discussion impliquait la création d’un État palestinien, dont l’existence devait être reconnu par les pays arabes. L’initiative n'aboutira pas.

Assemblée générale de l'Union africaine

Images de l'Assemblée générale de l'Union africaine le 17 février 2024 lors de l'ouverture du 37ème sommet de l'organisation panafricaine.

AP

En 1975, le Sénégal est désigné pour présider le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien. Au cours de cette période, Léopold Sédar Senghor fera remettre à Yasser Arafat un passeport diplomatique sénégalais. 

Treize ans plus tard, le 22 novembre 1988, le Sénégal reconnaît officiellement l’État de Palestine. En 2016, sous la présidence de Macky Sall, le Sénégal parraine à l’ONU la résolution 2334 du Conseil de sécurité condamnant la colonisation par Israël de territoires palestiniens. Israël prend alors des mesures à l’encontre du Sénégal dont la fin de l’ensemble des programmes de coopération entre les deux pays. Les relations entre le Sénégal et Israël ont depuis fluctué. 

En juin 2017, les deux Etats ont annoncé une normalisation de leurs relations lors du sommet de la CEDEAO au Liberia où Benjamin Netanyahou était invité. En mai 2021, le chef de l’État sénégalais a lancé “un appel pour une désescalade, afin que la paix revienne et que les discussions saines et sereines puissent être engagées entre ces deux communautés dans le respect du droit international“. [...] “Israël est également un partenaire. Nous l’invitons à tenir compte de la situation et à agir dans le sens de l’apaisement”. Ces propos avaient alors créé la polémique dans un pays historiquement en soutien de la cause palestinienne.

  • Voir aussi : Alioune Sall, sociologue sénégalais sur la crise à Gaza

RDC : Félix Tshisekedi solidaire avec Israël

Le président congolais, Félix Tshisekedi est l’un des premiers chefs d’État africains à avoir apporté son soutien à Israël après l’attaque du 7 octobre. Le chef de l’État avait alors réaffirmé “l’engagement de la RDC et d’Israël à lutter ensemble contre le terrorisme sous toutes ses formes”, selon nos confrères d'Actualité.dc. 

Fatshi AIPAC
Le président congolais Félix Tshisekedi le 1er mars 2020 devant l'AIPAC, vitrine du lobby pro-israélien aux Etats-Unis.
© Page Facebook de la présidence congolaise

Dès son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi a oeuvré pour un rapprochement avec l’État hébreu. En mars 2020, après deux décennies sans représentation de haut niveau en Israël, il a annoncé la nomination d’un ambassadeur à Tel-Aviv. Lors d'une prise de parole devant le lobby pro-israélien Aipac (American Israel Affairs Committee), le président congolais a également indiqué soutenir l’accord de paix proposé par Donald Trump, rejeté par l’Autorité palestinienne.

Félix Tshisekedi et Benjamin Netanyahou se sont rencontrés, le 21 septembre 2023, en marge de l’assemblée générale des Nations unies. À l’issue de cet échange, les deux pays ont convenu d’un renforcement de leur coopération bilatérale. Le chef du gouvernement israélien s’est engagé à ouvrir une ambassade d'Israël à Kinshasa. La RDC a indiqué avoir l'intention de déplacer son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem. L'enjeu est important pour le pouvoir israélien qui souhaite faire reconnaître Jérusalem comme la capitale de son État. Israël espère que l’Etat congolais lui permettra d’obtenir davantage de soutien des pays africains.