Fil d'Ariane
À 63 ans, le grand argentier du gouvernement Merkel va, sauf surprise, être élu mercredi par le Bundestag chancelier de la première économie européenne au terme d'une improbable remontée.
Son parti SPD était décrit il y a peu encore comme moribond. Non seulement il a remporté les législatives de septembre mais il a réussi sans accroc à mettre sur pied une inédite coalition avec les Verts et Libéraux. Le tout sans faire de vague.Il s'inspire pour cela du style tout en rondeurs de Merkel, jusqu'au mimétisme dans la gestuelle, au point d'être présenté par le quotidien de gauche Taz comme un "variant" de la chancelière.
L'hebdomadaire de référence Der Spiegel le présente sous la plume de son éditorialiste Michael Sauga comme "l'anti Merkel". L'heure n'est plus selon l'éditorialiste au long règne personnel mais bien aux alliances et aux destins collectifs.
Voir : Allemagne : Olaf Scholz, le candidat social-démocrate impopulaire devenu favori
Olaf Scholz, adepte de la course à pied est parvenu à s'imposer alors qu'il reste assez méconnu des Allemands eux-mêmes. Il n'existe ainsi aucune biographie du futur chancelier, pourtant ministre à plusieurs reprises et ancien maire de Hambourg, la deuxième ville du pays.
Olaf Scholz est l'incarnation de l'ennui en politique.
Der Spiegel, hebdomadaire allemand
Décrit par le Spiegel comme "l'incarnation de l'ennui en politique", Olaf Scholz a franchi tous les échelons de l'action publique depuis les années 70.
Né à Osnabrück le 14 juin 1958 d'un père voyageur de commerce et d'une mère au foyer, il est entré dès 1975 au sein du puissant mouvement des Jeunes du SPD, les "Jusos". Il a alors les cheveux longs, porte des pulls en laine et participe à nombre de manifestations pacifistes.
Je ris plus souvent que les gens ne pensent.
Olaf Scholz, alors secrétaire général du SPD
Sa carrière va réellement prendre son envol lorsque le social-démocrate Gerhard Schröder arrive à la chancellerie. Élu député en 1998, Olaf Scholz devient secrétaire général du SPD en 2002.
Son ton monocorde lui fait gagner le surnom de "Scholzomat", une boutade qui déplaît à Olaf Scholz. "On me posait toujours les mêmes questions et j'y apportais toujours les mêmes réponses", se défend celui qui assure "rire plus souvent que les gens ne pensent".
"Je suis sobre, pragmatique et déterminé. Mais ce qui m'a poussé à faire de la politique, ce sont les émotions", a-t-il récemment confié à l'hebdomadaire Die Zeit, plaidant pour une "société équitable", dans laquelle "chacun et chacune ait de bonnes perspectives dans sa propre vie".
La libéralisation du marché du travail dans un pays alors considéré comme "l'homme malade de l'Europe" va diviser la gauche allemande et précipiter la défaite de M. Schröder face à Angela Merkel en 2005.
En 2007, Olaf Scholz rebondit au ministère du Travail. En 2011, ce boulimique de politique - un milieu dont est aussi issue son épouse, Britta Ernst, ministre de l'Education dans la région du Brandebourg - devient maire de Hambourg.
Olaf Scholz y mène une politique ambitieuse en matière de logements sociaux et de petite enfance, mais se montre dispendieux avec les deniers publics.
Au plan fédéral en revanche, il s'en tient à son credo: "On ne donne que ce que l'on a".
Olaf Scholz succède en 2018 au puisant ministère des Finances au très orthodoxe chrétien-démocrate Wolfgang Schäuble, dont il poursuit la gestion financière inflexible.
Son positionnement centriste contribue à le marginaliser au sein même de son parti, au point qu'en 2019, les militants l'écartent de leur présidence. Olaf Scholz parvient néanmoins à rebondir à la faveur de la pandémie, n'hésitant pas à rompre avec la doxa budgétaire et à sortir le "bazooka" de la dépense publique.
Notre succès, (celui du SPD) va être une source d'inspiration pour les autres partis sociaux-démocrates en EuropeOlaf Scholz au Spiegel
Malgré le désaveu de 2019, le SPD, un des plus vieux partis européens, le choisit pour défendre ses couleurs, en dépit de plusieurs affaires qui ternissent son passage aux Finances. Longtemps donné perdant lors de la campagne, l'ancien maire de Hambourg a réussi à faire renaître un SPD moribond.
Un véritable exploit dans une Europe où la social démocratie pèse de moins en moins électoralement. Sa victoire en Allemagne pourrait acter une renaissance de la gauche de gouvernement sur le continent européen. "Notre succès, (celui du SPD) va être une source d'inspiration pour les autres partis sociaux-démocrates en Europe", déclarait-il dans un entretien donné au Spiegel.
Climat, cannabis, rigueur au programme du futur gouvernement "feu tricolore"
Intitulé "Oser plus de progrès", le programme de la nouvelle coalition allemande est le fruit d'un compromis entre les sociaux-démocrates (SPD), les Verts et les libéraux (FDP) qui vont diriger le pays pendant quatre ans.
- Rigueur budgétaire. Le centre-gauche et les Verts voulaient davantage de flexibilité mais les Libéraux du FDP n'ont rien lâché. Leur dirigeant Christian Lindner décroche le portefeuille des Finances. Le gouvernement maintiendra donc le "frein constitutionnel à l'endettement", qui limite à 0,35% du PIB par an la possibilité de déficit public de l'Allemagne, hors circonstances exceptionnelles.
- Salaire minimum.
En revanche les sociaux-démocrates ont imposé une promesse phare de la campagne, la hausse du salaire minimum horaire à 12 euros "dès la première année", contre 9,6 euros actuellement.
- Climat.
"Atteindre les objectifs de l'accord de Paris en matière de protection climatique est pour nous une priorité absolue", stipule programme. Les trois partis veulent "accélérer" la sortie du charbon et l'avancer à 2030 "dans l'idéal", au lieu de 2038. C'est une exigence des Verts.
Pour l'Allemagne, qui débranchera ses dernières centrales nucléaires fin 2022, "cela exige le développement massif des énergies renouvelables" -l'objectif est qu'elles représentent 80% de la production d'électricité à la fin de la décennie- et "la construction de centrales à gaz modernes".
La puissante industrie automobile allemande va devoir accélérer sa transformation: les partis veulent avoir 15 millions de voitures électriques sur les routes du pays d'ici 2030.
Autre réforme phare: la légalisation du cannabis dont la vente dans des "magasins agréés" sera réservée "aux adultes".