Fil d'Ariane
« Bonjour, Dominique Buende », se présente un jeune entrepreneur camerounais à George Serre, ambassadeur de France en Côte d’Ivoire. A la tête d’une start-up spécialisée dans l’innovation numérique pour les pays du Sud, le chef d’entreprise est venu faire connaître sa société et ses projets. « Je lui ai surtout parlé d’un de nos services, celui de la bibliothèque numérique que l’on développe pour des écoles, des université, des centres culturels. Ce service est proposé via des bornes de contenu culturel, éducatif ou académique qui peuvent à la fois vendre des ouvrages papier et numériques ».
Déjà installé au Cameroun, Dominique souhaite étendre son projet à la Côte d’Ivoire. « C’est un saut technologique formidable », s’exclame l’ambassadeur qui décide de lui donner des contacts sur place, tout en lui conseillant de participer à un prochain voyage avec Axelle Lemaire, la secrétaire d'Etat chargée du Numérique. Gong ! Les quinze minutes viennent de s’écouler et les grands écrans installés dans la salle affichent "Changer de place !". A peine le temps de remercier son interlocuteur et Dominique doit déjà laisser sa place au suivant.
Car tout autour de la salle, des gens, élégamment vêtus, badge vert autour du cou, attendent leur tour. Ils observent leurs prédécesseurs en pleine action. Certains ont apporté leur ordinateur et diffusent des présentations numériques à leur interlocuteur, d’autres ont les bras chargés de dossiers… Il y a ceux qui sont venus à deux, ceux qui prennent beaucoup de notes ou bien ceux qui, malgré le gong final, tentent de prolonger leur entretien. Ce qui provoque parfois quelques rappels à l’ordre : « Monsieur, c’est à mon tour s’il vous plaît ».
Laurent Fabius a lancé la diplomatie économique, mais c'est notre quotidien.
George Serre, Ambassadeur de France en Côte d'Ivoire
Chaque ambassadeur doit recevoir entre 10 et 13 candidats dans l’après-midi. Un rythme effréné qui ne laisse presque pas le temps d’avaler quelque chose ou même de boire un verre d’eau. Heureusement, les diplomates sont rodés. « Laurent Fabius a lancé la diplomatie économique, mais c’est notre quotidien, assure George Serre. Un ambassadeur dans un pays comme la Côte d’Ivoire passe entre 40 et 50% de son temps sur le secteur économique ».
De l’autre côté de la salle, Jean-Michel Casa, ambassadeur en Argentine, fait du rangement dans ses papiers. « J’ai un peu de temps pour le faire puisqu’un de mes rendez-vous m’a fait faux bond, ironise-t-il. Il a du croire qu’il avait le temps de rencontrer un autre de mes collègues avant son rendez-vous ».
L'intérêt de cette démarche aujourd'hui, c'est de discuter avec des entreprises qui sont plutôt de grosses PME
Jean-Michel Casa, ambassadeur de France en Argentine
Si comme son homologue de Côte d’Ivoire, il consacre la majeure partie de son temps à rencontrer des entreprises, il trouve la « formule speed-dating » différente de son quotidien. « Dans notre fonction, on a l’habitude d’être en contact avec des grands groupes, de grandes entreprises qui connaissent l’international. L’intérêt de cette démarche aujourd’hui, c’est de discuter avec des entreprises qui sont plutôt de grosses PME ». Et voilà qu’une connaissance vient le saluer. Ici, l’ambiance est plutôt chaleureuse, même si elle reste professionnelle. Entre deux rendez-vous, certains ambassadeurs se saluent rapidement, puis reviennent s’asseoir pour accueillir le prochain "client".
Le bureau improvisé de l'ambassadrice de France au Bénin, Aline Kuster-Menager, ne désemplit pas. Il faut dire qu'elle sait se rendre disponible. "Attendez un petit instant et je vous prends juste après", dit-elle à un chef d'entreprise qui n'a pas pris rendez-vous. "L'ambassadeur est souvent vu comme un personnage lointain, explique-t-elle. Mais je pense que c'est important pour les entreprises d’avoir ce contact. C’est l’occasion de mettre un visage sur un responsable du pays où elles souhaitent développer leurs affaires".
Ici et là, plusieurs tables restent cependant assez vides. Ce sont celles des ambassadeurs de Bosnie-Herzégovine, des Comores, ou encore de l'Afghanistan. Il est environ 15h30, le speed-dating a commencé depuis une heure et demie et Gerrit Van Rossum, ambassadeur au Burundi, s’apprête déjà à quitter l’événement. Il n’a eu que trois visites. « Je ne pensais même pas en avoir autant », avoue le diplomate. « La première personne est déjà en contact avec les autorités sur place et elle souhaitait avoir des informations sur l’évolution de la situation dans le pays dans les prochains mois, la deuxième voulait vérifier la possibilité de nouer un partenariat avec une entreprise locale et la troisième était en prospect », raconte Gerrit Van Rossum. Alors qu’il s’en va, un autre gong retentit. Ses homologues, eux, n’ont pas terminé la journée.