La population du Donbass, dans l'Est de l'Ukraine, a voté pour son autodétermination à plus de 90 %, ce 11 mai 2014. Dès le 12 mai, la "république de Donetsk" demande à être rattachée à la Russie. Selon Andreï Gratchev, politologue et ancien conseiller du dernier président de l'Urss Mikhaïl Gorbatchev, ce scrutin marque un tournant. Analyse.
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Entretien avec Andreï Gratchev
12.05.2014Propos recueillis par Bénédicte Weiss
Après avoir appelé au report du scrutin, Vladimir Poutine a annoncé ce lundi 12 mai dans un communiqué qu'il "respecte" les résultats du vote, tout en prônant le dialogue entre l'Est de l'Ukraine et la communauté internationale... Le Donbass n'est-il pas susceptible de suivre le même chemin que la Crimée et d'adhérer à la Fédération de Russie ?
Le fait qu'il y a quelques jours déjà, à la veille du référendum, Vladimir Poutine a souhaité que celui-ci soit reporté, signifiait déjà qu'il n'envisageait pas pour ces régions de l'Ukraine la même perspective que pour la Crimée. On peut y trouver plusieurs explications. Par exemple, sa volonté d'éviter l'aggravation des relations entre la Russie et le reste de la communauté internationale. Ensuite, on peut y voir une reconnaissance indirecte par Moscou que, par contraste avec la Crimée, elle considère le reste du territoire ukrainien comme faisant partie intégrale et légitime de l'Ukraine. Mais aussi, peut-être, l'aveu indirect par les Russes qu'ils n'étaient pas du tout certains que l'adhésion à l'idée d'une association avec la Russie, de la part de la population de ces régions de l'Ukraine, puisse être suivie avec autant d'enthousiasme que dans le cas de la Crimée.
Andreï Gratchev
Mais avec un "oui" qui aurait été proclamé à 90 %, cela ne peut-il pas inciter tout de même au rapprochement de la Russie ?
Evidemment, ces chiffres sont impressionnants. Ils confirment d'une façon symbolique le fait qu'une majorité évidente de la population pourrait soutenir cette idée. Il reste que le référendum dans ces régions peut difficilement être qualifié, comme en Crimée, d'acte juridique justifiant cette association.
Quel scénario est-il alors le plus probable ? Une réelle indépendance ou la mise en place d'une fédéralisation de l'Ukraine ?
C'est une question qui ne peut pas être résolue d'une façon unilatérale par les autorités autoproclamées de ces régions. Autorités qui, d'ailleurs, n'ont pas encore été légitimées par le vote de leur population. Il faut que, dans ces régions, les dirigeants trouvent la manière de s'approprier les pouvoirs locaux légitimement. Et, bien sûr, last but not least (le dernier mais pas des moindres, ndlr) comme l'on dirait, la réaction de l'Ukraine devrait se faire au lendemain de l'élection présidentielle du 25 mai.
C'est-à-dire qu'il faudra attendre le 25 mai pour voir ce qu'il advient ?
Bien sûr, parce que pour l'instant les autorités de Kiev, presque sur un pied d'égalité avec les autorités des régions de l'Est, mais avec quand même une certaine différence, n'ont pas une totale légitimité qui leur permettrait de formuler les voies, les pistes ou les variantes de la solution à ce problème.
Les bureaux de vote ont été placés sous le contrôle d'hommes en armes pendant le scrutin (photo AFP)
Dans ce cas, ce référendum change-t-il la donne, ou bien est-ce toujours la même situation qui perdure dans l'attente du 25 mai ?
Ah si, cela change énormément ! Peut-être est-ce seulement psychologique, mais cela compte beaucoup pour la situation politique en Ukraine. Cela marque un point de non-retour évident. C'est-à-dire qu'il n'y aura pas de retour à la situation d'avant la crise, où ces régions faisaient naturellement partie de l'Ukraine et possédaient le même statut que toutes les autres régions. Que ce soit sous forme d'association, de fédéralisation, ou d'autonomie, de toute façon, il faut redéfinir la nature des rapports entre ces régions et le pouvoir national.