Angela Merkel, l’“ange noir de l’austérité“ arrive au Portugal
La chancelière allemande est attendue ce lundi 12 Novembre à Lisbonne, tandis que les Portugais refusent de plus en plus l’austérité qu’on leur impose. Ils promettent un accueil bruyant à Angela Merkel. Reportage.
Dans un défilé à Lisbonne, une femme brandit l'oeillet rouge de la révolution (Photo : MLD)
3 minutes de lecture
Le sourire de la manifestante adoucit la fermeté de ses propos. « Je ne dirai rien. Je peux perdre mon travail. Lisez ma pancarte ». Elle refuse d’en dire plus, mais les simples mots qu’elle porte autour du cou en disent long : « Je travaille depuis l’âge de 11 ans, ce n’est pas moi qui ai dilapidé (la richesse) du pays. Je veux que l’on me rende ma vie ». Depuis des mois, les Lisboètes se donnent rendez-vous en ville pour protester contre l’austérité, pour réclamer la démission du gouvernement , le départ de la Troïka des bailleurs de fond (FMI, UE et BCE), ou encore conspuer Angela Merkel, surnommée élégamment « Notre-Dame de l’Austérité », ou de manière beaucoup moins élogieuse « Frau saucisse ».
Manifestation de militaires ce samedi 10 novembre 2012 à Lisbonne (Photo : MLD)
Les rassemblements et les manifestations se multiplient, dans la « baixa », le centre de la capitale, devant le parlement, ou encore à Belém, à l’ouest de Lisbonne, où se trouve le palais présidentiel couleur rose bonbon. C’est là que sera reçu Angela Merkel, ce lundi 12 novembre, par le chef de l’État Anibal Cavaco Silva, avant un déjeuner avec le premier ministre Pedro Passos Coelho suivi d’une brève apparition au sommet Germano-portugais des entreprises, toujours à Belém. Le parcours -sous haute surveillances semi-secret et soumis à d’éventuelles modifications- sera accompagné par les manifestants à l’appel du Mouvement « Que la troïka aille se faire voir ! Rendez-nous nos vies » (QSLAT). L’écrivain António Costa Santos, l’un des co-fondateurs de cette plateforme à l’origine de l’immense manifestation pacifique et civile du 15 septembre dernier, a la métaphore désabusée « Merkel a acheté une ruine au Portugal et a demandé au gouvernement de faire des travaux de démolition des vieux murs. Maintenant elle vient voir comment se déroule le déblaiement des remblais. Elle est « persona non grata ». Elle symbolise l’idéologie qui a conduit le Portugal, la Grèce, l’Espagne, l’Italie etc… dans la situation où ils sont. On ne vote pas pour elle. Et elle ne dirige pas ici ».
Quelle mobilisation ?
Le 29 septembre dernier, les policiers se joignent aux manifestants (Photo : MLD)
Le 12 novembre, jour de travail ordinaire, la participation populaire aux protestations reste une inconnue. Cela n’enlève rien à la sourde colère qui gronde dans la population. « Le gouvernement nous ruine. Il se réjouit de l’augmentation du nombre des soupes populaires. Nous sommes en train de revenir au début du XXe siècle » déclarait un retraité des chantiers navals, au cours de la manifestation contre l’approbation du budget de rigueur pour 2013, le 31 octobre dernier. A cette indignation grandissante, s’ajoute une incompréhension : le gouvernement portugais n’a pas l’intention de renégocier la dette, ou d’obtenir un nouveau prêt ou un aménagement du plan de sauvetage dont il bénéficie (78 milliards prêtés). Bon élève il est, bon élève il veut rester. Le premier ministre Pedro Passos Coelho, chantre du néo-libéralisme, a l’oreille d’Angela Merkel, au point que les portugais le représentent sous l’aspect du caniche de « Notre-Dame de l’Austérité ». Pas vraiment porté par un sentiment germanophobe ou anti-européen, les Portugais refusent de plus en plus un modèle économique et idéologique qui conduit leur pays vers la « dérive athénienne ».