Fil d'Ariane
La tragicomédie "Anora" remporte cinq statuettes ce dimanche 02 mars aux Oscars 2025 et "Emilia Pérez" de Jacques Audiard n'en récolte que deux. Le film qui revient sur la colonisation israélienne en Cisjordanie "No Other Land" décroche le prix du meilleur documentaire.
A gauche, Sean Baker, lauréat des prix du meilleur scénario original, du meilleur montage, du meilleur réalisateur et du meilleur film pour « Anora », à droite, Basel Adra, à gauche, et Yuval Abraham, lauréats du prix du meilleur film documentaire pour « No Other Land », le dimanche 2 mars 2025, à Los Angeles.
"Ce film a été réalisé grâce au sang, à la sueur et aux larmes d'artistes indépendants incroyables." Sean Baker, le réalisateur d'"Anora", a remercié l'Académie d'honorer "un film véritablement indépendant", produit avec seulement six millions de dollars. Il a remporté cinq statuettes durant la cérémonie qui s'est tenue à Los Angeles ce dimanche 2 mars.
Après sa Palme d'or à Cannes, son Cendrillon moderne rafle non seulement la récompense suprême, mais aussi les prix de la meilleure actrice pour Mikey Madison, du meilleur scénario, du meilleur montage, et du meilleur réalisateur pour Sean Baker, figure du cinéma d'auteur américain.
Ce film, où une strip-teaseuse new-yorkaise se marie au rejeton d'un oligarque russe, avant d'affronter le mépris de classe de sa belle-famille ultra-riche, ponctue sa filmographie largement dédiée aux marginaux de l'Amérique et aux travailleuses du sexe.
Révélation du film, Mikey Madison a tenu à leur "rendre hommage" en acceptant son Oscar, à seulement 25 ans.
Au contraire d'"Anora", "Emilia Pérez" n'a pas pu reproduire l'enthousiasme généré à Cannes, où il avait notamment reçu le prix du jury.
L'odyssée musicale de Jacques Audiard sur la transition de genre d'un narcotrafiquant mexicain avait été largement boudée, après le scandale suscité par les anciens tweets racistes et islamophobes de son actrice principale, Karla Sofía Gascón.
Malgré 13 nominations, un record pour une production non-anglophone, ce film, tourné principalement en espagnol, a reçu seulement deux Oscars : celui du meilleur second rôle féminin pour Zoe Saldana et de la meilleure chanson, pour "El Mal", titre phare où son personnage d'avocate se révolte contre la corruption de la société mexicaine.
La statuette du meilleur film international lui a échappé au profit du drame brésilien "Je suis toujours là", sur la résistance d'une mère courage contre l'ex-dictature brésilienne.
"Je veux que ça cesse. Je veux partir sur autre chose", confiait à l'AFP Jacques Audiard juste avant la cérémonie, lassé par les polémiques - une partie du public mexicain l'a aussi accusé d'appropriation culturelle.
Le film "No Other Land" prend lui sa revanche. Boudé par les distributeurs aux États-Unis, et projeté dans seulement 23 cinémas du pays, il est sacré Oscar du meilleur documentaire.
Réalisé par un collectif palestino-israélien de quatre jeunes militants, le documentaire revient sur le combat d'un activiste et journaliste palestinien en Cisjordanie, Basel Adra, qui filme l’expulsion de sa communauté par l'occupation israélienne à Masafer Yatta. Il rencontre Yuval, un journaliste israélien, qui le soutient dans ses démarches. Les deux hommes deviennent amis.
Adrien Brody a été l'autre sensation de la soirée : le comédien a remporté l'Oscar du meilleur acteur pour "The Brutalist", où il incarne un architecte survivant de l'Holocauste qui émigre aux Etats-Unis.
Il rejoint ainsi Marlon Brando et Jack Nicholson dans le club prestigieux des doubles vainqueurs de cette statuette, 22 ans après avoir remporté été récompensé pour "Le Pianiste", où il jouait déjà un artiste confronté à la Shoah.
L'acteur de 51 ans en a profité pour livrer un plaidoyer politique, dans une référence à peine voilée à la nouvelle présidence de Donald Trump.
"Si le passé peut nous enseigner quelque chose, c'est de nous rappeler de ne pas laisser la haine s'exprimer sans contrôle", a-t-il insisté, en appelant de ses vœux "un monde plus sain, plus heureux et plus inclusif".
La cérémonie est cependant restée consensuelle, avec un spectacle assuré par les stars de la comédie musicale "Wicked", Ariana Grande et Cynthia Erivo, et un hommage aux pompiers de Los Angeles, ravagée par des incendies meurtriers en janvier.