Août 2010 : la politique sécuritaire de la France : un tollé international

Image
Août 2010 : la politique sécuritaire de la France : un tollé international
Partager6 minutes de lecture
Après avoir lancé, en plein cœur de l’été, une politique sécuritaire musclée, le gouvernement français est fustigé de toute part : l’ONU, la  presse étrangère, l’opposition. La polémique ne cesse d'enfler. /* Style Definitions */ table.MsoNormalTable {mso-style-name:"Tableau Normal"; mso-style-parent:""; font-size:12.0pt;"Times New Roman";presse étrangère et la gauche française. Tour d’horizon de ces vives réactions.
Août 2010 : la politique sécuritaire de la France : un tollé international
Le président Nicolas Sarkozy à Grenoble le 30 juillet 2010 - AFP.
Sur la scène internationale, la France a d'abord été épinglée par les 18 experts de l’ONU réunis au sein du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (Cerd). Examinant l’un après l’autre les pays qui ont ratifié la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965, ils ont dénoncé « un manque de volonté politique » face à « une recrudescence notable du racisme et de la xénophobie » en France. Des critiques survenues après les annonces fracassantes de Nicolas Sarkozy au sujet de la déchéance de la nationalité. Quand il s’est rendu le 30 juillet à Grenoble où un quartier populaire avait été secoué par de graves violences quelques jours plus tôt, le président français n'a pas mâché ses mots. Il a joué la provocation et a déclaré : « La nationalité doit pouvoir être retirée à toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un fonctionnaire de police d’un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique. » C'est la mesure la plus spectaculaire et la plus polémique annoncée dans son discours. Dans les jours qui ont suivi, le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux a poussé encore plus loin la proposition. Il a demandé à ce que la déchéance de nationalité puisse être également prononcée en cas de « polygamie, d’excision, de traite humaine ou d’actes de délinquance grave ». 51 CAMPS ROMS EVACUES Plus tôt dans l’été, le gouvernement français s’en était pris également aux Roms suite aux violences qui avaient éclaté en Loire-et-Cher. Résultat, 51 camps illégaux ont été démantelés et 700 personnes doivent être, d'ici à la fin du mois, reconduites en Roumanie ou en Bulgarie.
Août 2010 : la politique sécuritaire de la France : un tollé international
Un camp rom à Lyon menacé d'expulsion - AFP
Ces déclarations et décisions politiques n’ont pas échappé au Cerd qui avait déjà rappelé la France à l’ordre en 2005. « Comment comprendre que les Roms puissent être extradés comme s’ils n’appartenaient pas à l’Union Européenne », s’est interrogé l’expert algérien Nourredine Amir. « Le carnet de circulation [obligatoire pour les Gens du voyage s’ils veulent se déplacer sur le territoire français, ndlr] nous rappelle l’époque de Pétain », a déclaré Waliakoye Saidou du Niger. A LA UNE DU TIMES Dans la presse étrangère, les critiques ont aussi fusé. Le 17 août, le Times, l'un des plus vénérables journaux britanniques, a titré en première page : « Sarkozy expulse les Roms et rappelle le souvenir de la Gestapo ». Un article qui a été repris le même jour par l’Australian. Le 5 août, le New York Times avait déjà accusé dans son édito Nicolas Sarkozy d’attiser dangereusement les sentiments anti-immigrés pour des calculs politiques à court terme, en précisant : « Tout cela dans un pays qui a longtemps défendu le principe que tous les citoyens français -qu'ils soient nés dans le pays ou naturalisés- ont droit au même traitement face à la loi. Cela s'applique au père, né hongrois, de M. Sarkozy, ou à sa femme née italienne, et qui ont été naturalisés français, et devrait s'appliquer à n'importe qui d'autre. »
En France, l’opposition n’est pas en reste. Le PS accuse le pouvoir de se « frontnationaliser » ou de faire du « Le Pen Light ». Eva Joly, eurodéputée écologiste et ancienne magistrate, a même parlé de « racisme d’État ». Et dans un entretien au quotidien français Le Monde , daté du 16 août, Daniel Cohn-Bendit d’Europe écologie incendie Nicolas Sarkozy. Il estime que « stupidité et malveillance sont les deux nouvelles mamelles du sarkozysme ». Le chef de l'État développe « un populisme de l'exclusion pour rassembler la droite dure sur le dos des minorités », poursuit l'eurodéputé écologiste, qui conclut : « Si je suis poli, je dis que Nicolas Sarkozy prend les Français pour des imbéciles. Le fond de ma pensée est qu'il les prend pour des cons. »
Face aux critiques, le gouvernement défend bec et ongles la proposition du président. Des responsables de l'UMP ont notamment remis en cause les experts de l’ONU , « des gens qui viennent de pays » ne respectant pas les droits de l’homme, et « à cent lieues des réalités ». D'autres ont martelé que cette mesure de déchéance de nationalité était tout à fait possible à mettre en place puisqu'elle existe déjà dans notre droit. Ce qui est le cas : l'article 25 du code civil définit les possibilités de déchéance. Le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, a de son côté précisé dans Le Monde du 6 août que « certains faisaient semblant de comprendre qu’on allait créer des apatrides. Non ! Il n’est pas question non plus de retirer sa nationalité à quelqu’un de naturalisé depuis vingt ans ». La France est signataire d'une convention internationale qui proscrit la création d'apatrides, mais ne l'a pas ratifiée. BESSON MINIMISE C'est désormais à Éric Besson, ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, que revient la tâche de faire passer le futur amendement sur la déchéance de nationalité dans le cadre du projet de loi sur l'immigration qui sera débattu fin septembre à l'Assemblée. Mais, au micro de RTL le 17 août, il a minimisé la proposition du gouvernement en affirmant que la déchéance de la nationalité doit rester« une procédure exceptionnelle ».
En revanche, il a rejeté l’emploi du terme de « rafles » au sujet des Roms. « J’aimerais beaucoup que le vocabulaire spécifique de la Seconde Guerre mondiale, avec ce qui a été son atrocité c’est-à-dire l’extermination industrielle systématique des Juifs et des Tziganes, ne soit pas utilisé dans un contexte où [...] les personnes sont interpellées, leur identité vérifiée et on leur propose de l’argent pour retourner en avion dans leur pays d’origine. J’aimerais bien que l’on m’explique quel est le lien avec les rafles de la Seconde Guerre mondiale. » Par Camille Sarret 18 août 2010

Repères

Le président Nicolas Sarkozy a durci son discours sécuritaire suite à deux faits divers survenus à la mi-juillet en France.

VIOLENCES URBAINES A GRENOBLE Le quartier de La Villeneuve à Grenoble a été secoué par une vague de violences urbaines pendant plusieurs jours à la mi-juillet. Des dizaines de voitures et de magasins ont été incendiées. Un important dispositif policier, dont la présence des membres du raid et du GIGN, a alors été mis en place. A l’origine de ces heurts, la mort d’un des caïds du quartier : Karim Boudouda. Cet homme de 27 ans a été tué dans la nuit du 15 au 16 juillet lors d'une course-poursuite alors qu'il venait de se faire remettre, sous la menace d'armes lourdes, la caisse du casino d'Uriage-les-Bains. Son complice est toujours en fuite. REVOLTE DES ROMS Dans la nuit du 16 au 17 juillet 2010, un voleur de 22 ans, Luigi Duquenet, était abattu par des gendarmes à Saint-Aignan, une commune de 3 400 habitants en Loire-et-Cher. Le lendemain, dans un déferlement de violence, des jeunes de la communauté rom à laquelle il appartenait, s'en prenaient aux voitures et aux édifices publics de la région.