Le CETA "est un traité dont l'objet numéro 1 est de renforcer le pouvoir des multinationales et, a contrario, affaiblir le pouvoir des démocraties", estime Philippe Lamberts, le co-président du groupe des Verts au Parlement européen.
(Interview : TV5MONDE, Le 64 minutes du 14 février 2017)
Approuvé par le Parlement européen, que contient le CETA ?
Le Parlement européen vient d'adopter ce mercredi 15 février 2017 le CETA, l'accord de libre-échange entre l'UE et le Canada. En dépit de ce vote positif, l'intense opposition au traité ne sera pas sans conséquences sur la politique commerciale future de Bruxelles. Une grande partie du CETA entrera en application provisoire, a priori dès le mois d'avril, le temps d'être ratifié par l'ensemble des Parlements nationaux et régionaux de l'UE, ce qui prendra des années.
Présenté par les dirigeants européens comme un nouvel "accord modèle" de libre-échange, le traité commercial entre le Canada et l'UE (CETA), adopté ce mercredi midi par les députés du Parlement européen, se heurte toujours à de vives oppositions.
Ses adversaires le jugent anti-démocratique, trop favorable aux multinationales, léger sur l'environnement ou encore dangereux pour l'agriculture européenne.
Négocié pendant sept ans, cet épais document de plus de 1 600 pages - baptisé "Accord économique et commercial global (AEGC)", en anglais CETA - supprimera, selon Bruxelles, plus de 99 % des droits de douane avec Ottawa.
Il fera progresser de 25 % le commerce de l'Union avec le Canada, son 12e partenaire commercial, faisant croître le PIB européen d'environ 12 milliards d'euros par an. Un chiffre qui reste à comparer aux 14 600 milliards d'euros de PIB de l'UE en 2015.
Parmi les exceptions au traité : certains produits agricoles, comme les viandes bovines et porcines, dans le sens Canada-UE, qui resteront soumises à des quotas.
L'accord fournit aussi une protection supplémentaire à 143 origines géographiques spécifiques (AOC), dont 42 françaises, comme le "Roquefort", le "Saint-Nectaire" ou les "Pruneaux d'Agen".
Grâce au CETA, les entreprises européennes auront désormais accès aux marchés publics canadiens, y compris ceux des villes et des provinces qui gèrent une part importante des dépenses publiques. Une véritable avancée pour les Européens qui avaient, eux, déjà accordé un large accès à leur marché aux compagnies canadiennes.
L'accord, qui concerne plus de 500 millions d'Européens et 35 millions de Canadiens, ne modifiera pas les règles européennes sur la sécurité alimentaire ou la protection de l'environnement, assure l'UE.
Il vise au contraire à améliorer la coopération entre les organismes européen et canadien sur ces normes.
Les produits canadiens ne pourront donc être importés dans l'Union européenne que s'ils respectent la réglementation de l'UE et le bœuf aux hormones ne sera pas autorisé.
Tribunal d'arbitrage
Le point le plus sensible porte sur la possibilité donnée à une multinationale investissant à l'étranger de porter plainte contre un Etat qui adopterait une politique publique contraire à ses intérêts afin de demander réparation.
Un mécanisme qui a permis à Philip Morris d'attaquer l'Uruguay pour sa politique anti-tabac ou au géant minier Oceanagold de poursuivre le Salvador pour lui avoir refusé un permis d'exploitation pour raisons environnementales.
Le CETA créera un tribunal permanent, modernisé par rapport aux autres traités, composé de 15 juges professionnels nommés par l'UE et le Canada. Toutes les auditions seront publiques et il sera possible de faire appel. "Une sorte de Cour publique des investissements qui ouvre la voie à une Cour internationale des investissements", selon un négociateur européen.
Mais des ONG n'ont pas été convaincues, craignant que ces "pseudo-juges" ne soient des avocats d'affaires liés à des cabinets privés.
Une fois que les contours de ces tribunaux auront été définitivement arrêtés, la Belgique s'est engagée à saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour vérifier leur conformité avec le droit européen.
Après son adoption par le Parlement européen, une grande partie du traité entrera en vigueur de façon provisoire, essentiellement en ce qui concerne les dispositions relevant de la compétence exclusive de l'UE.
Parmi les chapitres provisoirement exclus, ce fameux tribunal d'arbitrage. En cas de litige avec un Etat, une entreprise devra porter plainte devant la juridiction du pays concerné ou la chambre arbitrale internationale de Paris par exemple.
Reste un obstacle de taille : pour entrer définitivement en vigueur, le CETA devra être approuvé par les 38 Parlements nationaux et régionaux de l'UE. Une procédure très incertaine qui pourrait prendre des années.