Entretien avec Darryl D'Monte, président de l'Association indienne des journalistes spécialistes de l'environnement
Qu’attendez-vous du sommet de Copenhague ? Juste une déclaration politique, avec des intentions explicites pour le futur Cela pourra-t-il être une discussion réelle pour la sécurité du monde, ou seulement une réunion supplémentaire entre les riches d’Europe et d’Amérique du Nord ? C’est une rencontre pour tous mais détournée par les Etats-Unis avec le soutien de l’Europe, de l’Australie et du Japon, qui préfèrent sauver n’importe quel accord, plutôt que pas d’accord du tout. Vous êtes assez sévère avec l’Europe et les Etats-Unis, mais aussi avec votre pays, pourquoi ? Aucun pays ne traite le réchauffement climatique avec l’urgence requise. C’est littéralement une question de vie et de mort, et il y a trop de « Néron » qui bricolent autour du monde, tandis que leurs « Rome » respectives brûlent sous leurs yeux. Après l’âge de pierre ou du bronze, voici celui de la stupidité.
Le lit à sec de la rivière Niraniana, au Bihar (Wiki Commons)
Pensez-vous que les Etats-Unis demandent trop aux pays émergents, comme l’Inde, au lieu de faire ce qu’ils devraient faire chez eux ? Evidemment ! Le pays le plus sale doit d’abord balayer devant sa porte, et agir avant de demander aux pays en voie de développement de le faire. Cela est particulièrement vrai avec l’Inde, où 600 millions de personnes n’utilisent pas d’énergie commerciale (bois, fuel ou feuilles, par exemple) et où 400 millions n’ont même pas l’électricité. Leur demander de réduire leur consommation d’énergie est certainement une plaisanterie ou un trait d’humour noir, non ? La question environnementale est-elle importante en Inde, aussi bien pour le peuple que pour les dirigeants ? Pour le gouvernement, la question est surtout officielle et idéologique. Quant à la population, elle se rend bien compte que des étés de plus en plus chauds se font sentir, et de ce que cela signifie pour les récoltes et leur vie. Êtes-vous d’accord avec la dernière classification de Greenpeace, selon laquelle l’Inde est au troisième rang des pays au bon comportement pour lutter contre le réchauffement climatique ? J’aimerais le croire, et quoique les Indiens aient toujours vécu au-dessous de leurs moyens, il faut bien voir qu’environ 200 à 250 millions de mes compatriotes urbains, font tout pour imiter leurs homologues américains…
Les îles Andaman dans le Golfe du Bengale, menacées par le réchauffement climatique (Wiki Commons)
L’énergie nucléaire peut-elle être une alternative comme cela est proposé en France ou en Inde ? Je ne pense pas : c’est écologiquement, socialement et économiquement faux. Des alternatives moins chères, comme le biogaz sont à la portée du commun des mortels. Quelle forme de nouvelle gouvernance pourrait lutter utilement contre le réchauffement climatique ? Nous n’avons pas besoin de nouvelle gouvernance : il suffirait de renforcer le système fondé sur les Nations unies. Ne nous dirigeons pas vers des « triplés », nous en avons déjà assez avec les jumeaux de Bretton Woods (ndlr : le système mondial d’aide au développement mis en place à la fin de la Seconde guerre mondiale), la Banque mondiale et le FMI ! Le 3 décembre 2009, c’est le 25ème anniversaire de la catastrophe industrielle de Bhopal. Ce désastre provoqué en Inde par une compagnie multinationale américaine est-il emblématique des relations Nord/Sud ? Pourrait-il se reproduire ? Oui, c’est un symbole et cela pourrait très facilement et malheureusement se reproduire. L’Inde est connue pour être laxiste avec le renforcement de la sécurité industrielle ou tout autre mesure préventive. Propos recueillis par Sylvie Braibant, 29 novembre 2009
La volte face indienne à la veille du sommet de Copenhague, un article critique de Darryl D'Monte en anglais