Fil d'Ariane
Si les deux maladies ne s'attrapent pas de la même manière - le coronavirus par transmission humaine, la dengue par piqûre de moustique tigre, leurs signes cliniques "sont proches"(toux, fièvre, maux de tête), et elles ont en commun de mettre sous tension les services de santé.
Début avril, le Conseil scientifique du gouvernement a souligné la "prise en charge compliquée des malades fébriles" en Outre-mer, avec "la recrudescence de la dengue".
C'est à Mayotte qu'elle fait pour l'instant le plus de ravages avec 12 décès depuis le début de l'année selon l'Agence régionale de santé (ARS), contre 4 jusqu'à présent pour le Covid-19.
Depuis janvier, 3 163 cas de dengue ont été confirmés, mais en raison de tous ceux qui n'ont pas consulté, l'ARS redoute un chiffre bien supérieur. Pour l'instant, l'ARS comptabilise aussi "292 hospitalisations dont 19 en réanimation".
En comparaison, 380 cas de coronavirus sont actuellement recensés à Mayotte, et il n'y a "jamais eu plus de 4 à 5 personnes en réanimation en même temps", selon la directrice de l'ARS, l'ancienne ministre Dominique Voynet.
La Réunion connaît de son côté "le plus grand nombre de cas de dengue", a indiqué à l'Agence France-Presse le docteur François Chièze, de l'ARS de La Réunion.
L'épidémie de dengue y sévit depuis 2018, où 8 décès avaient été enregistrés. "Les bonnes habitudes de destruction des gites larvaires de moustiques de la période chikungunya avaient été oubliées", relève le docteur Chièze.
L'année suivante, confortée par une température élevée, l'épidémie est repartie de plus belle avec plus de 18.000 cas confirmés et 14 morts.
En 2020, "la circulation virale est toujours forte, même si on est pour le moment en deçà de 2019", avec plus de 4.000 cas depuis janvier, 183 hospitalisations et quatre décès, explique le médecin.
En comparaison, La Réunion compte 412 cas de coronavirus, mais pour l'instant aucune personne n'est décédée du CoVid-19.
Si pour lutter contre le Covid-19, le confinement est un atout, ce n'est pas le cas contre la dengue. Certes, "les actions de démoustication, un temps interrompues, ont repris"selon le medecin, mais le fait de coincer les gens à leur domicile les amènent, par exemple, à s'occuper de leur jardin.
Couper, tailler les feuilles ou les haies où se niche le moustique tigre, lui permet d'émerger à nouveau. De plus, en cette période de confinement, la formation de déchets verts n'est pas forcément évacuée comme il se doit par les services de voirie. Ces déchets restent à proximité des habitations.
Les dépistages Covid-19 ont paradoxalement contribué à "une meilleure connaissance des cas de dengue", et à un plus grand nombre d'hospitalisations pour cette maladie, souligne-t-il.
Mais les deux territoires déplorent que de nombreuses personnes renoncent à consulter. "Certains disent que ce n'est pas grave, c'est la dengue", mais dengue comme Covid-19 sont particulièrement dangereux sur "les patients les plus fragiles", souligne Dominique Voynet, qui a constaté "plusieurs cas de patients ayant les deux".
Même chose à La Réunion: "Attraper la dengue, c'est se mettre en état d'immunodépression" et développer une forme sévère de Covid-19, rappelle François Chièze.
Pour lui, "l'effet psychologique du coronavirus c'est d'amoindrir l'importance de la dengue, qui n'est pas perçue, à tort, comme une maladie grave".
La dengue touche aussi la Guyane, où elle est "en stade épidémique dans le secteur de Kourou et du Maroni et en stade pré-épidémique dans le secteur de Cayenne et dans le littoral Ouest", selon l'ARS, qui juge qu'une "épidémie sur l’ensemble de la région se profile pour les semaines à venir".
L'ARS appelle à "faire en sorte que le nombre de personnes malades en même temps soit le moins élevé possible pour permettre au système de santé d’y faire face", dans un territoire qui compte 111 cas de coronavirus et seulement 40 lits de réanimation.
Les cas de dengue sont également en hausse aux Antilles, selon les autorités sanitaires, qui rappellent la nécessité de se protéger du coronavirus mais aussi des moustiques.