Après les propos de Darmanin sur l'immigration, Rome exige des excuses

Le chef de la diplomatie italienne a exigé des excuses du ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin, dont les propos sur l'incapacité de Giorgia Meloni à gérer l'immigration ont provoqué une nouvelle crise entre Rome et Paris. Le gouvernement français tente de calmer le jeu.

Image
Le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, mercredi 26 avril. AP/ Gregorio Borgia.

Le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, mercredi 26 avril. AP/ Gregorio Borgia.

Partager2 minutes de lecture

"C'est une insulte gratuite et vulgaire adressée à un pays ami, allié" et "quand quelqu'un offense de façon gratuite une autre personne le minimum est qu'elle présente ses excuses", estime Antonio Tajani dans un entretien au quotidien Il Corriere della Sera.

Le chef de la diplomatie italienne a annulé jeudi 4 mai au soir sa première visite à Paris, où il devait rencontrer son homologue Catherine Colonna, après les déclarations de Gérald Darmanin sur RMC. Le ministre français de l'Intérieur accusait la Première ministre Giorgia Meloni d'être "incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue".

Catherine Colonna a rapidement publié un message en italien sur Twitter, affirmant que "la relation entre l'Italie et la France est basée sur le respect mutuel, entre nos deux pays et entre leurs dirigeants". Elle a appelé dans la foulée Antonio Tajani.

"Catherine Colonna m'a appelé deux fois, pour me dire qu'elle était désolée, elle a été très cordiale", a assuré Antonio Tajani, tout en estimant que les explications de Paris restaient "insuffisantes". "Il s'agit d'une attaque à froid, un coup de poignard dans le dos de la part d'un membre de premier plan du gouvernement français. Il y a des choses qu'on ne peut ignorer. Le reste de l'exécutif de Macron cependant ne pense certainement pas comme Darmanin".

Tweet URL

 

"Aucune volonté d'ostraciser l'Italie" 


Sollicité par l'AFP, le ministère français de l'Intérieur n'a pas souhaité commenter  les demandes d'excuses du gouvernement italien.

Le porte-parole du gouvernement français Olivier Véran a tenté vendredi 5 mai d'éteindre l'incendie, assurant qu'il n'y avait eu "aucune volonté d'ostraciser l'Italie". "Les Italiens, on discute, ils adorent la politique, mais ils assument les choix qu'ils ont faits et ils veulent qu'on les laisse assumer leurs choix", a-t-il expliqué, "et ça tombe bien parce qu'on n'a pas l'intention de faire autrement".

Plus nuancé, le ministre des Transports Clément Beaune a donné "raison sur le plan politique" à Gérald Darmanin qui a rappelé "ce qu'est l'extrême droite partout, en Italie comme ailleurs, qui fait beaucoup de promesses et règle peu de problèmes". 

Interrogé sur ces frictions en marge d'un déplacement à Florence, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a rappelé que la question de l'immigration est "un problème commun" aux pays de l'UE qui doit être géré "avec le maximum d'unité". Il a ajouté : "je suis certain que ces difficultés seront surmontées".

À côté du sacre de Naples en Serie A, la presse italienne titrait vendredi 5 mai  sur cette nouvelle brouille entre les deux voisins.

La Repubblica, quotidien de centre-gauche, évoquait "la gifle de Paris". La Stampa rappelait que "la lutte contre l'immigration clandestine avait été un des chevaux de bataille de Meloni pendant la campagne électorale" de l'été 2022, "avec les promesses de mettre en place un 'blocus naval' pour empêcher les départs vers la péninsule. Mais tout juste arrivée à Palazzo Chigi [siège du chef du gouvernement à Rome], la Première ministre a dû prendre acte de l'infaisabilité de son projet. Et les Français se sont repentis d'y avoir cru", écrit le journal turinois.

(Re)voir : Migrants : le durcissement de la législation rend les sauvetages impossibles

TV5 JWPlayer Field
Chargement du lecteur...

 

Sujet sensible pour l'UE

L'immigration est depuis des années un sujet ultra-sensible dans les relations franco-italiennes.

En novembre, les deux pays avaient connu une montée de tension lorsque le gouvernement Meloni, à peine au pouvoir, avait refusé de laisser accoster un navire humanitaire de l'ONG SOS Méditerranée. Il avait fini par être accueilli par la France à Toulon, dans le sud, avec plus de 200 migrants à bord. 

L'épisode avait suscité la colère de Paris, qui avait convoqué une réunion européenne pour que ce scénario inédit ne se reproduise pas.

Depuis, les traversées clandestines par bateaux s'accentuent avec l'essor d'un couloir maritime entre la Tunisie et l'Italie, point d'entrée en Europe de nombreux exilés. Selon le ministère italien de l'Intérieur, plus de 42 000 personnes sont arrivées par la Méditerranée en Italie cette année, contre environ 11 000 sur la même période en 2022.