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Onze princes et des dizaines de ministres, anciens et actuels, ont été arrêtés ce 4 novembre en Arabie saoudite. Parallèlement, les puissants chefs de la Garde nationale saoudienne, une force d'élite intérieure, et de la Marine ont été limogés. Une purge sans précédent qui doit permettre au jeune prince héritier Mohammed ben Salmane de consolider son pouvoir
Ces arrestations et limogeages interviennent quelques heures après la création, par décret royal, d'une commission anticorruption dirigée par le prince héritier, nouvel homme fort du royaume ultra-conservateur, Mohammed ben Salmane, âgé de 32 ans et surnomé MBS.
Selon la chaîne satellitaire Al-Arabiya, les arrestations coïncident avec le début de l'enquête lancée par la commission sur les inondations qui ont dévasté en 2009 la ville portuaire de Jeddah (ouest), sur la mer Rouge, à la suite de pluies torrentielles, faisant une centaine de morts. L'agence de presse officielle saoudienne SPA indique que le but de la commission est de "préserver l'argent public et de punir les personnes corrompues et ceux qui profitent de leur position".
Le conseil des religieux a rapidement réagi sur son compte Twitter en affirmant que la lutte contre la corruption était "aussi importante que le combat contre le terrorisme". Une source aéroportuaire a par ailleurs indiqué à l'AFP que les forces de sécurité avaient cloué au sol des avions privés à Jeddah, pour empêcher que certaines personnalités quittent le territoire.
"L'étendue et l'ampleur de ces arrestations semblent sans précédent dans l'histoire moderne de l'Arabie saoudite", affirme Kristian Ulrichsen, spécialiste du Golfe à l'institut Baker de l'université Rice, aux Etats-Unis.
16 juillet 2008 : le prince Al-Walid ben Talal à l'Elysée avant de poser la première pierre de la salle des arts islamiques au musée parisien du Louvre.
Parmi les personnes arrêtées figurerait le prince et milliardaire Al-Walid ben Talal, propriétaire du palace parisien George V. Cette information diffusée par des sites web saoudiens n'a pas été confirmée officiellement, mais si elle devait l'être, elle constituerait "une onde de choc sur le plan intérieur et dans le monde des affaires internationales", estime Kristian Ulrichsen.
Le cours de Kingdom Holding Company, société internationale d'investissement détenue à 95% par Al-Walid ben Talal, a d'ores et déjà chuté de 9,9% à l'ouverture ce dimanche. S'il n'a pas chuté davantage, c'est que, selon le règlement de la bourse saoudienne, les actions ne peuvent baisser de plus de 10% lors d'une session.
Depuis le début de l'année, Kingdom Holding Co - société ayant des intérêts notamment dans les géants américains Citigroup et Apple et le parc d'attractions Euro Disney - a perdu environ 15% de sa valeur, mais la société vient d'annoncer une hausse de ses profits pour le troisième trimestre et les neuf premiers mois de l'année 2017.
L'indice Tadawul All-Shares (Tasi), la Bourse la plus importante des pays arabes, était également en baisse, de 1,6%, une minute seulement après son ouverture ce dimanche.
Contrôlant les principaux leviers du gouvernement, de la défense à l'économie, Mohammed ben Salmane semble chercher à étouffer les contestations internes avant tout transfert formel du pouvoir par son père, le roi Salmane, âgé de 81 ans.
Fin octobre, MBS, issu de la jeune génération princière saoudienne, a promis une Arabie "modérée", en rupture avec l'image d'un pays longtemps considéré comme l'exportateur du wahhabisme, une version rigoriste de l'islam qui a nourri nombre de jihadistes à travers le monde. "Nous n'allons pas passer 30 ans de plus de notre vie à nous accommoder d'idées extrémistes et nous allons les détruire maintenant", assurait-il sous les applaudissements des participants à un forum économique baptisé "Davos dans le désert", qui avait attiré 2500 décideurs du monde entier.
Il a lancé plusieurs chantiers de réformes - droit de conduire pour les femmes et ouvertures de cinémas, notamment - qui marquent le plus grand bouleversement culturel et économique de l'histoire moderne du royaume, avec une marginalisation de fait de la caste des religieux conservateurs. Dans le même temps, il a oeuvré pour renforcer son emprise politique sur le pouvoir, procédant notamment en septembre à une vague d'arrestations de dissidents, dont des religieux influents et des intellectuels.
Selon des analystes, nombre de ces dissidents critiquaient la politique étrangère musclée du jeune prince héritier, comme le boycott du Qatar, ainsi que certaines réformes comme la privatisation d'entreprises publiques et la réduction des subventions de l'Etat.