Areva, otage d'un contrat ?

Sur la une du site du numéro 1 mondial du nucléaire, les quatres visages des otages libérés. Un immense soulagement pour le groupe qui emploie 46000 collaborateurs dans le monde et dont la santé financière est excellente. Mais  au Niger, où le groupe français est présent depuis près d’un demi-siècle, Areva ne fait pas que des heureux.
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Areva, otage d'un contrat ?
Sur le site d'Areva, la photo des 4 ex-otages
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Cette libération pèsera-t-elle dans les négociations  en cours avec l’état nigérien ? Areva doit en effet reconduire un contrat de 10 ans, qui arrivera à échéance en fin d’année. Il s’agit d’une affaire hautement stratégique, le Niger étant le deuxième producteur mondial d’uranium et le groupe français ne peut pas faire l’impasse sur cette source d’approvisionnement quasi-vitale pour elle. Reste que la présence d’Areva soulève bien des questions dans le pays.
 

Areva, otage d'un contrat ?
Site d'Areva au Niger
Le 12 octobre, 5000  personnes (élus locaux, habitants et  membres de la société civile) manifestaient dans la cité minière d’Arlit. Tous dénonçaient les méthodes du groupe français, accusé de polluer leur environnement et d'être sans inquiétude particulière pour  « les préoccupations quotidiennes des habitants ».
Azaoua Mamane, l'un des organisateurs de cette manifestation, enfonçait le clou : « La population a hérité de 50 millions de tonnes de résidus radioactifs stockés à Arlit et Areva continue de pomper gratuitement 20 millions de mètres cubes d'eau par an pendant que la population meurt de soif. Les rues et les habitations d'Arlit sont construits à l'aide de résidus radioactifs et la nappe phréatique usée et contaminée s'assèche par la faute d'Areva.»

De quoi faire monter la pression à l’heure de la renégociation du contrat. En fait,  ce sont les deux sites d’Areva basés dans le nord du pays qui sont visés. Ceux de la Société des mines de l’Aïr (Somaïr) et de la Compagnie minière d’Akokan (Cominak).

Premier ministre déterminé

Et le premier ministre du Niger, Brigi Rafini,  ne faisait  pas mystère de sa détermination. Quelques jours avant cette démonstration de force, décidément très opportune, il estimait que le contrat était « déséquilibré » et déclarait : « Cela fait plusieurs décennies que les conventions sont renouvelées automatiquement. Il est question cette fois de (les) mettre sur la table et de les passer au peigne fin pour que le Niger y trouve son compte. Le but est de faire en sorte que le partenariat avec Areva soit le mieux équilibré que possible.  "Il y a des dispositions pratiques dans ces conventions où nous considérons que le Niger n’est pas dans son droit. Il s’agit de (les) revoir sans complaisance et de mettre en place de (nouvelles) conventions que nous jugerons satisfaisantes pour assurer l’intérêt de notre pays ».

 

Areva, otage d'un contrat ?
Mahamadou Issoufou, président du Niger
Augmenter les recettes

Ce qui a le mérite d’être clair. Et d’être  surtout dans la ligne des engagements pris par le président Mahamadou Issoufou. Dès son arrivé au pouvoir en 2011, il affichait sa volonté d’augmenter fortement les recettes tirées de l’uranium. Elles  représentaient 5% du budget en 2012. Le pays détient 36,4% des parts de Somaïr, qui fournit environ 3 000 tonnes d’uranium par an,  et 31% des parts de Cominak, avec une production annuelle de 1 500 tonnes.

Le Niger, qui compte parmi les grands producteurs mondiaux d'uranium, reste l'un des pays les plus pauvres du monde et entend  bien profiter davantage de ses richesses. De son côté, Areva, qui doit sécuriser ses approvisionnements, ne dispose que peu  de marge pour négocier cette reconduction. Nul doute qu’avec un chiffre d’affaire à 4.672 millions d’euros (en progression de 13 % au premier semestre 2013) Areva saura trouver les bons arguments.