Que représente pour vous la découverte de ces documents secrets ? C’est fondamental. Depuis plus de 40 ans, nous recherchons des archives sur tout ce qui s’est passé pendant et avant la dictature (1976-1983). En Argentine, le terrorisme d’État a commencé le 22 août 1972 avec le
massacre de Trelew, l’élimination de 16 guérilleros par des militaires. Depuis cette date, nous cherchons toutes les archives de l’armée. On a eu beaucoup de mal à les trouver parce que, dans chaque procès qui a eu lieu en Argentine, on faisait face à l’impunité des persécuteurs. Mais depuis 2003 le président Kirchner a débouté toutes les lois qui empêchaient de juger les oppresseurs. Ces derniers – un peu à la manière des nazis - ne donnent aucune information. Ils sont tous
jugés depuis 2013 et ça continue. Les plus grands oppresseurs sont condamnés à la prison à perpétuité pour crime contre l’humanité. Mais ils ne donnent ni dates ni informations aux
Mères de la Place de mai, aux Grands-Mères, ou aux autres qui ont perdu quelqu’un pendant cette période de dictature argentine. C’est très rare que l’un d’eux reconnaisse ses actes. Il y a eu un cas de quelqu’un déjà emprisonné, décidé à livrer des informations, mais il s’est suicidé. Entre eux, ils passent un accord pour ne pas donner ce type d’informations. Ce que l’on a pu découvrir depuis 1972 et ces derniers jours, c’est un trésor qui va nous permettre, dans l’avenir, de savoir ce qui s’est passé avec les disparus, où sont passés les enfants volés, quels plans ils avaient développé, de quelle manière ils ont tué certaines personnes, dans quel camp de concentration elles étaient. Avoir une piste, quelque chose qui puisse permettre à toutes les familles de retrouver les petits enfants qui sont déjà des adultes, pour faire le deuil des personnes disparues à jamais. C’est fondamental pour la reconstruction de l’histoire argentine.