Fil d'Ariane
Les États-Unis ont annoncé vendredi 7 juillet qu’ils livreront à Kiev des armes à sous-munitions, dans le cadre de la guerre en Ukraine. Ces armes ont la particularité de tuer à l’aveugle et sont interdites dans de nombreux pays, notamment européens.
Munition conventionnelle améliorée à double usage, autrement dit arme à sous-munitions, utilisée ici par l'armée américaine lors d'un exercice en Corée du sud en 2016.
“Cela a été une décision très difficile pour moi”, confie le président américain Joe Biden à la chaîne d’information CNN, en précisant en avoir discuté en amont avec les pays alliés et le Congrès américain. Il ajoute que “cela m’a pris du temps avant d’être convaincu de le faire” en justifiant sa décision d’envoyer des armes à sous-munition à Kiev vendredi 7 juillet par le manque de munitions que l’armée ukrainienne connaît actuellement.
Les bombes à sous-munitions ont la particularité de disperser une multitude de petits explosifs sans précision et sur de larges surfaces, occasionnant alors beaucoup de dégâts. Selon Patrick Martin-Genier, spécialiste des relations internationales : alors qu’aucune alternative à court terme n'était possible face aux manques, les États-Unis et l’Ukraine ont choisi “la solution de facilité”.
"Mais il y a un risque d’escalade”, prévient l’expert. Les armes à sous-munitions menacent de provoquer d'importantes pertes dans l’armée russe, elle-même utilisatrice de ces bombes contre l’Ukraine. Pour pallier cette difficulté, “Poutine risque d’avoir recours aux armes nucléaires tactiques”.
Jusqu’à 40 % des explosifs de ces bombes ne se déclenchent pas à l’impact. Dispersées, elles deviennent de véritables mines pour l’armée, russe comme ukrainienne, et surtout pour les civils.
“Les armes à sous-munitions sont parmi les armes les plus dangereuses pour les civils. Elles sont par nature indiscriminées et représentent un risque grave pour les civils, car elles peuvent faire des victimes longtemps après la fin du conflit”, dénonce l’ONG Handicap international dans un communiqué.
Selon l’Observatoire des armes à sous-munitions, les civils représentent 97 % des victimes et 66 % d’entre elles sont des enfants. Le déminage peut aussi prendre plusieurs décennies.
Les armes à sous-munition sont décriées par des ONG. Amnesty international dénonçait déjà en février de cette année l’utilisation de cet arsenal, semble-t-il, par les forces russes, où des civils avaient notamment été tués.
L’usage de ces armes est aussi critiqué par une partie de la communauté internationale. Au total, 123 pays, dont la France, ont signé le traité d’Oslo de 2008 - autrement dit la Convention sur les armes à sous-munitions - interdisant totalement l’emploi, la fabrication, le commerce et le stockage de cette catégorie d’armes. Les États-Unis, l’Ukraine ainsi que la Russie n’en sont pas signataires
Dans son préambule, la Convention de 2008 précise que les armes à sous-munitions “tuent ou mutilent des civils (…), entravent le développement économique et social (…), retardent ou empêchent le retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (…) et ont d’autres conséquences graves pouvant persister pendant de nombreuses années après l’utilisation de ces armes”.
De nombreux parlementaires américains, dont des démocrates, ont exprimé leur opposition à l’envoi de ces armes. “En tant que partisan de la politique de l'administration Biden en Ukraine, je dois affirmer avec la plus grande fermeté mon opposition absolue au transfert par les États-Unis d'armes à sous-munitions", a par exemple publié sur Twitter la députée Betty McCollum.
Les divergences apparaissent aussi sur le plan diplomatique. La ministre des Affaires étrangères allemande Annalena Baerbock a exprimé l'opposition de l’Allemagne face à ce choix.
Le sommet de l’OTAN à Vilnius (Lituanie) se tiendra la semaine prochaine. La décision d’envoyer ces bombes risque de se retrouver au cœur des échanges.