Les repères bougent
La question des limites de la démocratie occidentale est soulignée de façon particulièrement crûe par le "cas Assange". Qu'il en joue et adopte une posture calculée est très probable. Il n'en reste pas moins que Julian Assange amène une partie non négligeable des populations des pays riches à observer le nouvel équilibre politique avec un autre regard. S'il était jusque là facile d'envisager le monde de façon manichéenne, à l'image d'un Georges Walker Bush dénonçant "les pays de l'axe du mal", avec les "bonnes démocraties" du Nord et les autres, au Sud, le leader de Wikileaks démontre depuis son discours - et les menaces d'attaque de l'ambassade de l'Equateur par la Grande-Bretagne - que les choses ne sont plus aussi simples.
Les mouvements des indignés espagnols, relayés par le mouvement #Occupy ont entamé depuis plus d'un an cette dénonciation du déni démocratique pratiqué par les dirigeants des pays les plus riches, refusant aux populations tout pouvoir décisionnaire ou même consultatif. Ce qu'Assange dénonce lui aussi dans son discours :
"Et je suis donc reconnaissant envers les peuples et gouvernements d’Argentine, de Bolivie, du Brésil, du Chili, de Colombie, du Salvador, du Honduras, du Mexique, du Nicaragua, du Pérou, du Venezuela et de toutes les nations latino-américaines qui sont venues défendre le droit d’asile. Aux peuples des USA, du Royaume-Uni, de Suède et d’Australie, qui m’ont soutenu avec vigueur, même quand leurs gouvernements ne l’ont pas fait. Ainsi qu’aux membres plus sages de gouvernements qui se battent toujours pour la justice. Votre jour viendra. A l’équipe, aux soutiens et aux sources de WikiLeaks, dont le courage et l’abnégation sont sans égal."
Un nouveau monde apparaît
Julian Assange décrit ce nouveau monde en cours d'apparition, celui où des gouvernements de pays émergents soutenus par leurs populations viennent protéger la liberté d'expression et de publication d'un homme contre la volonté des gouvernements des pays les plus riches. Le constat d'un Etat tout puissant, les Etats-Unis d'Amérique, prêt à renier toutes les valeurs qu'il est censé défendre pour continuer d'exercer sa domination politique, économique et militaire, résonne comme une inquiétante réalité. Même si la "guerre préventive" d'Irak en 2003, basée sur un mensonge d'Etat (celui du gouvernement nord-américain) est encore dans de nombreux esprits, Assange est peut-être en train de créer un basculement des mentalités politiques et diplomatiques important :
"Alors que WikiLeaks est sous la menace, il en est de même pour la liberté d’expression, et de la santé de nos sociétés.
Tant que Wikileaks sera sous la menace, il en sera de même pour la liberté d’expression et la santé de nos sociétés.
Nous devons utiliser ce moment pour formuler le choix qui se présente au gouvernement des États-Unis d’Amérique.
Va-t-il faire machine arrière et réaffirmer les valeurs sur lesquelles il a été fondé ?
Ou fera-il ce bond dans le précipice, nous faisant tous glisser dans un monde dangereux et oppressif, dans lequel les journalistes se taisent sous peine de poursuites, et les citoyens doivent murmurer dans le noir ?
Je dis qu’il faut revenir en arrière.
Je demande au président Obama de faire le bon choix.
Les États-Unis doivent renoncer à leur chasse aux sorcières contre Wikileaks.
Les États-Unis doivent dissoudre leur enquête du FBI.
Les États-Unis doivent jurer qu’ils ne chercheront pas à poursuivre notre personnel ou nos partisans.
Les États-Unis doivent s’engager publiquement qu’ils ne poursuivront pas les journalistes pour avoir fait briller une lumière sur les crimes secrets des puissants.
Il est stupide de vouloir poursuivre tout média, que ce soit Wikileaks ou le New York Times.
La guerre des administrations américaines contre les dénonciateurs doit se terminer
."