Le gouvernement d'Alexis Tsipras persiste dans sa lutte contre l'austérité. L'Union européenne, elle, veut toujours imposer ses mesures draconiennes. Un choc idéologique avec, en toile de fond, un peuple grec dans l'attente de résultats après des années de sacrifices.
La Grèce doit rembourser 820 millions d'euros en créances diverses dans quelques jours. D'un autre coté, elle attend de l'Union européenne le versement d'une dernière tranche d'aide de 7,2 milliards d'euros dans le cadre des plans d'aide de 240 milliards d'euros accordés par l'Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI) depuis 2010.
Confiance et crédibilité
Or depuis trois semaines court la rumeur que la Grèce ne pourra pas honorer le 9 avril son prochain versement de 460 millions d'euros de remboursement au FMI. Rumeur alimentée par une lettre alarmiste du Premier ministre Alexis Tsipras à la chancelière allemande Angela Merkel le 15 mars, prévenant que, faute de versement rapide de l'argent attendu de l'UE, la Grèce pourrait ne pas honorer ses prochains remboursements.
Un défaut de paiment qui pourrait avoir des conséquences difficilement calculables. Les craintes sont alimentées par la fuite des capitaux récemment constatée dans les banques grecques (25 milliards de décembre à février) et les faibles rentrées d'impôts dans les caisses de l'Etat.
Certains économistes prédisent une mise en place brutale d'un contrôle des capitaux grecs pendant le week-end de Pâques orthodoxe, la semaine prochaine, comme à Chypre il y a deux ans. Cette fin de semaine, un article du quotidien britannique Telegraph annonçant le retour de la drachme et un défaut de paiement sur l'échéance du 9 avril a été la vedette des réseaux sociaux :
Gagner du temps
Pour débloquer le reliquat d'aide, le nouveau gouvernement de gauche radicale doit présenter d'ici fin avril à l'Eurogroupe une liste de réformes suffisamment convaincantes. Jusqu'à présent, il a surtout cherché à gagner du temps, pour stabiliser son économie et lutter contre l'évasion fiscale. Il a joué la carte du compromis, tentant de différer ou de rééchelonner certaines promesses faites à l'UE. Quelques concessions ont été faites, notamment sur les retraites dans la fonction publique, mais les lignes à ne pas dépasser sont claires, en particulier sur le coût du travail.
Le Parlement grec a constitué une Commission d'audit de la dette grecque constituée d'une trentaine d'experts grecs et internationaux en droit, économie ou finance. Objectif : scruter la dette publique et sa légitimité au regard du droit international afin de susciter sa remise en question, du moins en partie.
Grexit or not Grexit ?
De son côté, l'UE adopte la stratégie du noeud coulant: plus les caisses se vident, plus le pays risque l'asphyxie financière, plus Athènes est contrainte d'accepter les réformes. Des réformes à l'efficacité douteuse, puisque, après sept ans de cure d'austérité, la dette grecque reste de 175% du PIB.
Le gouvernement Syriza d'Alexis Tsipras a toutefois exprimé qu'il ne souhaitait pas couper le lien avec l'Union européenne, sans toutefois exclure un Grexit - la rupture avec l'Union. Il maintient aussi certaines de ses revendications offensives, à commencer par les fruits de l'évasion fiscale des multinationales européennes dans les îles grecques - les premières visées sont les entreprises néerlandaises, alors que les Pays-Bas, aux côtés de Berlin, restent farouchement opposés au programme de Syriza.
Les Grecs en campagne
En pleine négociation avec ses partenaires de l'Union européenne, le ministre des Finances grec Yanis Varoufakis rencontre ce dimanche à Washington Christine Lagarde, directrice générale du FMI. Après son entretien avec la patronne du FMI, Yanis Varoufakis rencontrera les responsables du Trésor américain, dont Nathan Sheets, sous-secrétaire au Trésor américain en charge des affaires internationales. Il s'entretiendra aussi avec Caroline Atkinson, la conseillère de Barack Obama pour les affaires économiques internationales. M. Varoufakis veut associer le FMI au déroulement des négociations en cours avec l'Union européenne, estimant qu'il est "normal" de présenter les réformes envisagées aux Etats-Unis, premier actionnaire du FMI.
Le Fonds monétaire international, qui a des versements prévus à la Grèce jusqu'en 2016, est souvent apparu plus compréhensif que certains créanciers européens comme l'Allemagne. Quant au gouvernement américain, il souligne volontiers le rôle "stabilisateur" précieux de la Grèce à l'est de l'Europe. Pure stratégie de pression sur l'UE, ou vrai besoin d'argent pressant ? Toujours est-il que la visite grecque à Washington précède de peu celle d'Alexis Tsipras à Moscou.
Ouest-Est
Le président du Parlement européen Martin Schulz, interrogé par un journal allemand, appelle le chef du gouvernement grec à "ne pas mécontenter ses partenaires européens" en rompant l'unanimité de l'UE vis à vis de la Russie. Cela alors que la liste de réformes mise au point par la Grèce et la récente visite de M. Tsipras à Berlin "plaçaient Athènes en position de retrouver confiance et crédibilité".
Mais l'heure est encore à la minimisation du risque stratégique. "Je ne peux imaginer que quiconque à Athènes soit prêt à tourner le dos à l'Europe pour se jeter dans les bras de la Russie", déclarait le ministre allemand de l'Economie Sigmar Gabriel à la presse allemande.